Comment le gouvernement cherche à doper l’épargne retraite
Solenn Poullennec

Le gouvernement a levé un coin du voile sur la façon dont il voulait rendre les produits d’épargne retraite beaucoup plus attractifs. Ce chantier, lancé dans le cadre de la loi Pacte, divise la place financière. Explications.
Les contours de la réforme de l’épargne retraite se précisent. Il y a quelques jours, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, en a dévoilé les principales orientations. Il faudra attendre le mois de mai prochain et
la présentation du projet de loi sur les entreprises Pacte
pour connaître les détails de la remise à plat du dispositif. En attendant, pour faire valoir leur vision et leurs interêts, les spécialistes de l’épargne intensifient leur lobbying. Tour d’horizon des principaux enjeux de cette réforme.

Pourquoi Bercy veut réformer l’épargne retraite ?
Dans un contexte d’allongement de la durée de vie, l’objectif est d’aider les Français à se constituer une épargne en rendant les produits dédiés à la retraite plus attractifs. Concurrencés par d’autres placements, ceux-ci sont aujourd’hui peu développés : leur encours avoisine les 200 milliards d’euros, quand celui de l’assurance-vie est proche des 1.700 milliards d’euros. Il faut dire que la gamme des supports d’épargne retraite est peu lisible. Les produits sont souvent attachés à des statuts particuliers (le Prefon pour les fonctionnaires, le Madelin pour les professions libérales, etc.). Certains peuvent être souscrits librement et à titre personnel (tel le PERP) quand d’autres, dits « collectifs », ne sont accessibles que dans le cadre de l’entreprise (PERE, article 83, Perco) et prévoient une alimentation par l’employeur.
Comment ces produits vont-ils changer ?
Ils devraient davantage se ressembler. Le gouvernement veut en effet s’assurer que les épargnants puissent bénéficier d’une « transférabilité et d’une portabilité totales » de ces produits au long de leur vie professionnelle. Aujourd’hui, il n’est par exemple pas possible de transférer les avoirs d’un plan d’épargne retraite populaire (PERP) dans un plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco). Pour remédier à cette situation, l’exécutif compte harmoniser les règles de fonctionnement des différents supports. Au final, le nom de chaque produit devrait ainsi peu influer sur la façon dont l’épargnant peut accéder à son épargne. Cette harmonisation ne devrait cependant pas effacer les différentes formes d’abondement de ces supports, qui peuvent être libres, programmés ou obligatoires.
Les modes de retrait d’argent vont-ils évoluer ?
C’est ce que promet l’exécutif : la réforme doit favoriser une « souplesse accrue sur le retrait des sommes épargnées à l’âge de la retraite », a fait savoir Bruno Le Maire. L’idée est de répondre aux attentes de ceux qui souhaitent pouvoir jouir d’un capital important au moment de la retraite plutôt que de percevoir jusqu’à leur décès une rente, potentiellement peu élevée.
Il s’agit de l’un des points majeurs de la réforme. De fait, beaucoup de produits d’épargne retraite prévoient seulement une sortie en rente ou offrent une sortie en capital limitée. Par exemple, le PERP prévoit une sortie en capital à hauteur de 20 % maximum à l’heure de la retraite. Selon nos informations, l’idée de Bercy n’est pas que toute l’épargne retraite puisse être sortie en capital. En revanche, les conditions de sortie pourraient être modulées en fonction de la façon dont le produit a été abondé (libre ou non).
Quelles modifications fiscales ?
Là aussi des changements importants sont à prévoir, même s’ils ne devraient être mis en oeuvre que dans le cadre de la prochaine loi de finances.
Toujours soucieux d’attractivité et de transférabilité des produits, l’exécutif a annoncé un « rapprochement » des règles de la fiscalité entre les différents supports. Ces règles d’imposition peuvent être différentes « à l’entrée » (au moment des versements) et à la « sortie » des produits (au moment des retraits).
Ainsi, les sommes qui sont versées sur le produit assurantiel qu’est le PERP sont déductibles des impôts. En revanche, les sommes versées volontairement par un salarié dans le produit d’épargne financière qu’est le Perco sont imposables. Selon une source proche du dossier, les arbitrages fiscaux n’étaient pas figés à la fin de la semaine dernière. L’intention de Bercy serait de garantir une incitation fiscale en faveur de la rente à la sortie, mais certains affirment que, dans les derniers projets avancés, le compte n’y était pas.
Comment réagit la Place ?
Ca tangue ! L’idée de conforter l’épargne retraite et de simplifier le dispositif est consensuelle. En revanche, le projet de faciliter les retraits en capital est contesté par les assureurs, qui sont spécialistes des produits en rente et qui arguent que c’est la meilleure façon d’offrir un complément de retraite. Les changements, notamment fiscaux, qui donneraient un coup de pouce à des produits d’épargne financière comme le Perco devraient faire la joie des gérants d’actifs qui les proposent. En revanche, ils hérissent les compagnies d’assurances.
Dans leur combat en faveur du modèle de rente, ces dernières peuvent notamment compter sur des représentants des épargnants. Les débats parlementaires promettent de solides joutes.
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