LA SURTAXE D’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS VA COÛTER PLUS D’UNE CENTAINE DE MILLIONS D’EUROS AU GROUPE D’ASSURANCE MUTUALISTE. DANS UN SECTEUR ULTRA-CONCURRENTIEL ET ATTAQUÉ PAR DE NOUVEAUX ACTEURS, COVÉA MET PLUS QUE JAMAIS L’ACCENT SUR LA RELATION CLIENT.
Avec les tempêtes de la fin d’année 2017 et de début janvier, Covéa (GMF, MMA, MAAF) a été fortement sollicité. Entre Ana, Bruno, Carmen et Eleanor, le numéro un français de l’assurance auto et habitation a reçu 40.000 déclarations de sinistres, ce qui est « un événement significatif », indique
Thierry Derez, son PDG, dans un entretien aux « Echos ».
Le groupe mutualiste sort d’un exercice 2017 « tout à fait correct sur le plan technique », marqué de surcroît par la bonne tenue des marchés financiers. Pour autant, celui-ci lui laisse un goût amer. « Cela aurait été presque une bonne année si le gouvernement n’avait pas décidé de créer la surtaxe d’impôt sur les sociétés. Cette mesure va nous coûter plus d’une centaine de millions d’euros, soit plus que pour les tempêtes », regrette Thierry Derez. Covéa est, indique-t-il, calibré pour générer autour de 800 millions d’euros de résultat net par an, hors éléments exceptionnels, comme cela avait été le cas en 2016 (825 millions d’euros).
Réputé pour sa prudence, notamment en matière de croissance externe,
l’assureur s’est attaché au fil des ans à se ménager de confortables marges de manoeuvre
en renforçant son assise financière (13,5 milliards d’euros de fonds propres à fin 2016). « Notre priorité, c’est d’avoir des fonds propres qui nous permettent de maîtriser notre avenir. Les fonds propres, cela sert en cas de coup dur, mais aussi pour porter des investissements », souligne Thierry Derez.
En ordre de bataille
2018 marque une étape nouvelle pour Covéa. Le groupe attaque en effet l’année avec un comité exécutif resserré – composé désormais de douze membres autour du PDG – et rajeuni. « Sur une séquence de deux ans, cinq poids lourds du groupe allaient partir à la retraite. Nous avons donc préféré changer l’organisation en une seule fois pour ne pas mettre la maison dans une forme de demi-pause », justifie le dirigeant.
Le groupe s’est surtout mis en ordre de bataille face à un défi crucial dans un secteur ultra-concurrentiel, marqué par un faible taux de multi-équipement des assurés et sous la menace nouvelle des assurtech : l’expérience client.
Annoncée en octobre et mise en place le 2 janvier, cette nouvelle organisation fait ainsi figurer en bonne place deux nouvelles directions générales tournées vers le client.
Thierry Derez : « Nous continuons à gagner des clients en assurance-dommages »
NINON RENAUD
Le secteur de l’assurance française est en pleine consolidation avec les rapprochements à venir entre Aesio et Macif d’une part, la Matmut et AG2R La Mondiale d’autre part. Entendez-vous participer à ce mouvement ?
Nous pouvons difficilement grandir par croissance externe dans l’assurance-dommages en France, vu notre part de marché. Nous regardons donc de près ce qui se passe dans la santé. Cela étant, le problème de l’assurance-santé est que les assureurs sont aujourd’hui cantonnés à un rôle de caissiers, de « payeurs aveugles » derrière la Sécurité sociale. Pour un groupe comme Covéa, c’est donc un produit de rebond et de confortement. Nous avons intérêt à le vendre parce que les sociétaires qui ont à la fois un contrat auto et un contrat santé chez nous sont plus fidèles que les autres. Pour autant, je n’attends pas du tout de la santé le même résultat que de l’assurance-dommages.
La multiplication des événements climatiques en France vous inquiète-t-elle ? La profession pourrait-elle réviser sa façon de couvrir certaines régions ?
Quand on regarde l’augmentation du coût des événements climatiques sur une longue période, on oublie trop souvent l’impact induit par le développement économique des zones concernées. A titre d’exemple, les tempêtes Lothar et Martin de décembre 1999 nous avaient coûté 1 milliard d’euros. S’il survenait aujourd’hui, ce même événement nous reviendrait à près de 2 milliards d’euros. Il faut également prendre en compte, qu’en fonction des trajectoires les territoires touchés sont différents, les normes de construction ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre. Cela explique le fait qu’Eleanor va nous coûter plus cher que Carmen, alors que les vents ont été d’une puissance équivalente.
Parvenez-vous à résister à l’avancée continue des bancassureurs sur le marché de l’assurance-dommages ?
Nous continuons à gagner des clients, essentiellement sur d’autres opérateurs que les bancassureurs, en particulier sur les compagnies avec agents généraux. Dans ce contexte, il est essentiel de continuer à accélérer la mutualisation entre nos marques, comme nous l’avons fait depuis trois ans. Cela renforcera notre marge de manoeuvre tarifaire.
Depuis le 2 janvier, vous avez deux directions tournées vers le client. Est-ce lié à ce contexte concurrentiel ?
L’une est chargée de veiller à la meilleure qualité de la relation client. L’autre doit se consacrer au développement de l’offre. Comme tout le secteur, nous avons un enjeu fort : augmenter nos interactions avec nos clients, pour accroître leur taux d’équipement en produits et services du groupe et consolider leur fidélité. Nos sociétaires ont en moyenne 1,8 contrat chez nous, même si ce taux n’est pas homogène d’une enseigne à l’autre. Le nouveau slogan publicitaire de la MAAF répond à cet enjeu : de l’historique signature « Efficace et pas chère, c’est la MAAF que je préfère », nous n’avons gardé que la deuxième partie. C’est une campagne de fidélisation, fondée sur l’excellence de la relation, en restant évidemment attractifs en termes de prix et d’efficacité.
Les assureurs n’ont que peu de contacts avec leurs clients. Comment inverser la tendance ?
Traditionnellement, un assureur n’a que deux contacts par an avec son client : au moment de l’envoi de l’échéance annuelle et éventuellement en cas de sinistre. Les temps changent. Ce nombre de contacts est aujourd’hui en augmentation. Cette augmentation de la fréquence ne doit pas être faite de manière artificielle. Le contact doit rester pertinent. Cela nécessite notamment de travailler l’offre de services.
Ces services doivent-ils être proposés en plus ou être inclus dans les contrats ?
D’une manière générale, nous ne sommes pas favorables à l’inclusion. Elle peut se révéler « deceptive » pour le client. Trop souvent, il y a un décalage entre ce que les assurés croient avoir comme couverture et ce qu’ils ont réellement, faute d’avoir lu le contrat. Il faut absolument que les clients se responsabilisent dans ce domaine. Pour notre part, nous travaillons à une meilleure lisibilité de nos contrats. Mais la réglementation sur la distribution d’assurance n’y aide pas, car elle est à la fois touffue et infantilisante. C’est ce qui rend la vente d’assurance de plus en plus compliquée.
A quoi ressemblera l’assurance de demain ?
Elle sera touchée par deux mouvements de fond en auto et en habitation. Il va y avoir une moindre appropriation des véhicules, avec la généralisation progressive des voitures intelligentes et l’essor des modes de partage (voitures en libre-service, etc.). Le besoin de couverture devrait davantage s’apparenter à ce qui existe aujourd’hui pour les flottes automobiles d’entreprise.
Les propriétaires des parcs de voitures autonomes ou des véhicules qui seront loués en auto-partage chercheront à protéger leurs actifs. Vu le nombre de véhicules qu’ils auront à assurer, ils regarderont avant tout les capitaux que pourront engager les assureurs pour garantir leurs risques. D’où l’importance, comme c’est le cas pour Covéa, d’avoir des capitaux propres importants. Si l’on se situe à un horizon de vingt-cinq ans, une telle perspective pourrait d’ailleurs pousser à une convergence entre assureurs et réassureurs.
En assurance-habitation, ce sont les objets connectés qui vont changer la donne. Les compteurs électriques intelligents, par exemple, vont pouvoir fournir de nouvelles informations. Or, le meilleur moyen d’avoir une bonne appréhension du comportement de l’occupant d’un logement est précisément de connaître sa consommation d’électricité. Demain, la concurrence en matière d’assurance-habitation viendra peut-être des fournisseurs d’énergie !
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