LAURENT THÉVENINANNE FEITZ
INSURANCE EUROPE ET L’AMICE INVITENT LES AUTOMOBILISTES À SIGNER UNE PÉTITION POUR GARANTIR LEUR DROIT À CONTRÔLER LES DONNÉES DE LEURS VÉHICULES. LES ASSUREURS REDOUTENT DE SE VOIR DOUBLER PAR LES CONSTRUCTEURS.
La guerre est déclarée. Les assureurs ne veulent pas voir les données embarquées dans les véhicules leur échapper. Leurs porte-voix au niveau européen, Insurance Europe et l’Amice (pour les groupes mutualistes et coopératifs), invitent les automobilistes à signer une pétition appelant « à l’action des responsables politiques européens afin d’assurer que les conducteurs – et non pas les constructeurs de véhicules – puissent contrôler qui a accès à leurs données automobiles et à quelle fin ».
Pour l’heure, toutefois, « en vertu de la législation européenne, ces données sont les données personnelles du propriétaire du véhicule (conducteur) », rappelle le texte de cette campagne baptisée «#Data4Drivers ». Mais un risque inquiète au plus haut point les assureurs : « Les constructeurs automobiles développent des systèmes qui feraient d’eux les uniques gardiens de l’accès à ces données. » « En tant que conducteur, votre capacité à octroyer l’accès à vos données à un prestataire de services serait restreinte, limitant considérablement votre accès à des services innovants à des prix compétitifs », selon la pétition, qui se veut alarmante.
Enjeux énormes
La mobilisation des assureurs est à la hauteur des enjeux. Ceux-ci entendent bien profiter au maximum des possibilités offertes par la télématique embarquée pour proposer des contrats plus personnalisés, comme
la tarification « pay how you drive »
basée sur le comportement au volant, ou des services de diagnostic à distance. Autant de leviers qui pourraient leur permettre de renforcer le lien avec le client et de le fidéliser davantage, mais aussi de faire baisser leur sinistralité. Mais les assureurs savent qu’ils ne sont pas en pole position pour
capter les données des véhicules
. Sur ce terrain, les constructeurs « disposent déjà d’un énorme avantage concurrentiel », puisqu’ils peuvent équiper directement leurs véhicules. D’où la nécessité, pour les assureurs, que le conducteur puisse autoriser « les prestataires de services qu’il a choisis à avoir un accès direct et sécurisé à des données brutes et exploitables, sans interférence des constructeurs ».
« Un procès d’intention »
Les constructeurs se défendent toutefois de toute volonté de monopoliser ces informations, invoquant
la cybersécurité
pour justifier leur position. « C’est un procès d’intention que nous font les assureurs », réfute Joost Vantomme, directeur de la mobilité intelligente à l’Association des constructeurs européens d’automobiles (Acea). « Nous sommes tout à fait prêts à partager ces données – avec l’accord des clients s’il s’agit de données personnelles, bien sûr. Mais pour des raisons de sécurité, il est absolument fondamental de ne pas ouvrir à tous l’accès aux données directement à bord des véhicules. En cas de piratage, il pourrait y avoir des risques sur le trafic ou encore de terrorisme. »
En décembre 2016, l’Acea a publié sa position sur le sujet, préconisant que ces données soient stockées sur un serveur extérieur au véhicule (« off board »), sécurisé, qui puisse être localisé chez le constructeur, mais aussi chez un tiers neutre. BMW a ainsi annoncé en juin avoir conclu un accord avec IBM : ses clients qui le souhaitent peuvent donner accès à leurs données aux tiers de leurs choix, via une plate-forme ouverte sécurisée hébergée par IBM. Selon Joost Vantomme, de nombreux constructeurs sont actifs sur le sujet, y compris en France. « Bien sûr, ils voudront aussi utiliser ces données. Mais contrairement aux craintes des assureurs, ils ne bénéficieront pas d’avantages particuliers », assure-t-il.
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