La Banque mondiale met à profit la COP22, qui se tient à Marrakech, pour annoncer une révision à la hausse du coût des catastrophes naturelles. Et pas qu’un peu ! Dans un rapport publié lundi, ses experts chiffrent à 520 milliards de dollars par an le montant des pertes subies à ce titre dans 117 pays disposant de données suffisamment fiables. C’est presque six fois plus que l’estimation (92 milliards de dollars) livrée en 2015 par Sigma, le bureau d’études du réassureur Swiss Re.
Cet écart quasi abyssal tient à une analyse radicalement différente de l’impact de ces calamités de plus en plus imputables au dérèglement du climat. En règle générale, seuls les préjudices matériels, à savoir les dommages infligés aux bâtiments, aux infrastructures, aux équipements et à la production agricole, entrent en ligne de compte. Ce qui revient à ne s’intéresser qu’aux détenteurs de biens physiques ou immatériels concentrés dans les pays développés. A l’inverse, les habitants des pays pauvres, dont la valeur du patrimoine est souvent proche de zéro, sont oubliés. S’ils ne l’étaient pas, la réparation des dégâts matériels dans les pays étudiés par la Banque mondiale s’élèverait à 327 milliards de dollars par an, selon ses experts.
Les populations pauvres, du fait de leur dénuement et de leur surexposition aux excès du climat, subissent un préjudice proportionnellement plus lourd. En Ethiopie, la mort d’une chèvre après un épisode de sécheresse, pour qui n’en possède que trois, pose un problème de survie. Tout comme peut le faire la destruction d’un habitat souvent fragile dans d’autres pays du Sud. Au Guatemala, la tempête Agatha a fait chuter de 5,5 % la consommation des ménages touchés et fait bondir de 14 % la pauvreté. Les catastrophes naturelles, chaque année, « plongent 26 millions d’individus dans la pauvreté », selon le rapport de la Banque mondiale.
Les 520 milliards de dollars de dommages qui sont avancés concernent les pertes de « bien-être ». Cette notion plus large que les seules destructions matérielles, introduite par les experts de cette institution internationale, représente les privations et les sacrifices financiers infligés par une catastrophe. Là encore, c’est dans les pays pauvres qu’ils sont les plus lourds. Au sein des 177 pays étudiés, « les 20 % les plus pauvres ne subissent que 11 % des pertes matérielles, mais 47 % des pertes de bien-être », indique le rapport. En Birmanie, la moitié des agriculteurs pauvres touchés en 2008 par le cyclone Nargis ont dû vendre leurs biens et leurs terres pour payer les dettes contractées à la suite de cette catastrophe.
En renforçant les systèmes d’alerte, en améliorant l’accès aux services bancaires, les assurances et la protection sociale, 100 milliards de dollars par an de pertes seraient évitées, selon l’étude. « En renforçant la résilience des populations, nous pouvons éviter à des millions de personnes de basculer dans la pauvreté », commente Stéphane Hallegatte, économiste à la Banque mondiale. Le cas du Kenya l’illustre. Un programme d’assurance sociale a fourni des ressources additionnelles aux agriculteurs vulnérables bien avant la sécheresse de 2015. De quoi leur permettre de s’y préparer et d’en atténuer l’impact.
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