Se préoccuper de ses futurs droits à la retraite et chercher à les optimiser est une nécessité. Différentes stratégies peuvent être mises en oeuvre, à l’âge du départ à la retraite ou, mieux encore, de nombreuses années avant.

Au-delà des instruments d’épargne retraite individuelle que chacun peut choisir pour se constituer un complément de revenus, il existe aussi des leviers sur lesquels il est possible d’agir pour préserver ou valoriser au mieux ses futures pensions. D’abord, il est impératif de faire valoir ses droits à la retraite à taux plein, c’est-à-dire taux maximum de 50 %. Pour cela, il faut réunir à 62 ans (âge légal désormais en vigueur pour toutes les personnes nées en 1955 ou après, hors dispositifs de retraite anticipée) une certaine durée d’assurance, exprimée en nombre de trimestres : 166 au minimum si vous êtes né entre 1955 et 1957 inclus, 167 pour les générations 1958 à 1960 inclus, et ainsi de suite jusqu’à 172 trimestres – soit 43 années – si vous êtes né à partir de 1973.

Or, cette addition n’est pas toujours facile à faire : les personnes entrées tard sur le marché du travail du fait de longues études, d’une recherche d’emploi prolongée par exemple, ou ayant connu différentes interruptions de carrière volontaires (éducation des enfants) ou non (chômage non indemnisé) sont très vite pénalisées. Comment ? Par une décote (1,25 % ou 0,625 point de moins par trimestre manquant pour les salariés du privé, du secteur agricole, les indépendants et les professionnels libéraux notamment), qui vient amputer leur pension de base, et par un coefficient d’abattement (différent selon les régimes, l’âge à la liquidation et le nombre de trimestres manquants) qui vient rogner leur pension complémentaire !

Pour le seul régime général, 8,3 % des salariés ayant fait valoir leurs droits directs en 2014, sur un total de 635.715, ont ainsi été confrontés à la décote selon la dernière étude de la DREES, avec un manque à gagner important, puisque de 12,5 trimestres en moyenne.

Viser l’âge du taux plein automatique

Pour ne pas subir une telle sanction, surtout si le nombre de trimestres manquants est important, une des solutions consiste à travailler jusqu’à l’âge auquel vous atteindrez automatiquement ce fameux taux plein : celui-ci est actuellement fixé à 67 ans. Votre pension de base sera alors bien calculée au taux maximal de 50 %, sans aucune décote, quelle que soit votre durée d’assurance effective. Elle n’en sera pas moins proratisée si vous n’avez pas réussi à engranger le nombre de trimestres requis pour votre génération : par exemple, si vous comptez 160 trimestres alors qu’il vous en faut 166, votre pension vous sera versée à hauteur de 96 % (160/166) et non de 100 %.

Travailler après le taux plein pour les majorations

Si vous avez atteint le taux plein à l’âge légal ou quelques mois après, rien ne vous empêche par ailleurs de continuer à travailler : vous allez ainsi « surcoter ». Cette stratégie est doublement payante : elle majorera d’une part votre pension de base, soit de 1,25 % par trimestre civil cotisé en plus si vous êtes salarié, indépendant ou industriel notamment, soit de 0,75 % si vous êtes professionnel libéral. D’autre part, vous engrangerez des points en plus dans vos régimes complémentaires, ce qui se traduira par de meilleurs montants. A partir de 2019, pour tous les salariés du privé et du secteur agricole nés en 1957 ou après, cette démarche sera d’ailleurs indispensable pour éviter l’abattement de 10 % prévu durant trois ans sur les retraites complémentaires Arrco et Agirc (amenées à être unifiées) si celles-ci sont liquidées dès l’âge du taux plein, comme cela est souvent le cas aujourd’hui. Pour Frédéric Roullier, directeur retraite du groupe Humanis, même si cette mesure apparaît contraignante, « ses effets cumulatifs sont non négligeables. Selon les cas de figure, le surplus de pension global pourrait être de l’ordre de 8 %, et cela de façon viagère ».

Accroître son quota de trimestres par des rachats

Enfin, si vous souhaitez faire valoir vos droits dès 62 ans et à taux plein (hors dispositifs de départs anticipés) et s’il vous manque quelques trimestres pour cela, vous pouvez avoir intérêt à examiner de près les versements pour la retraite ou « rachats ». Cette dépense, c’est un avantage, est intégralement déductible de vos revenus imposables, sachant que le déficit éventuellement créé peut être reporté les années suivantes.

Les « rachats Fillon » (12 trimestres maximum, sous certaines conditions) sont les plus connus, mais les plus chers aussi : un salarié ou un indépendant dont le revenu annuel brut est supérieur au PASS (soit 38.616 euros pour 2016) doit par exemple débourser 3.973 euros à 55 ans et 4.367 euros à 60 ans par trimestre pour le seul rachat du taux de calcul de la pension de base (permettant de diminuer voire d’annuler la décote).

« Il est donc essentiel d’étudier en amont la rentabilité de cette opération, en regard de tous les régimes, note Frédéric Barrel, directeur technique de Neovia Expertise Retraite, pour qu’idéalement, elle soit amortie en huit ans. »

Les professionnels libéraux (sous réserve que la CNAVPL ait été leur premier régime de base d’affiliation à l’issue de leurs études) bénéficient pour leur part d’un tarif avantageux : 2.503 euros et 2.789 euros respectivement, soit 40 % de moins environ ! Dans cet esprit, les indépendants (y compris ceux qui exercent aujourd’hui sous un autre statut, mais depuis moins d’un an) doivent, eux aussi, se pencher dans les six ans qui suivent chacune de leurs années incomplètes au RSI, sur les rachats Madelin. En 2016, il leur est par exemple possible de racheter les trimestres manquants jusqu’à l’année 2009 incluse. Ces trimestres ont une particularité : ils sont peu chers, donc rentables plus vite. Par exemple, un commerçant doit débourser entre 350 euros et 1.000 euros le trimestre selon ses revenus, s’il a entre 55 ans et 60 ans.

Les personnes ayant été apprenties entre juillet 1972 et décembre 2013 (rachat possible de 4 trimestres si leurs années d’apprentissage sont incomplètes) bénéficient, elles aussi, d’un tarif de rachat avantageux et forfaitaire : 1.278 euros par trimestre en 2016. Enfin, même si cette dépense semble inutile, car d’application trop lointaine ou incertaine, les jeunes ont la possibilité de racheter jusqu’à 4 trimestres d’années d’études s’ils effectuent cette opération dans les dix ans qui suivent l’obtention de leur diplôme. Ce type de rachat coûte peu compte tenu de l’âge auquel il est effectué. Il bénéficie en plus d’un abattement forfaitaire de 400 euros si le jeune est aujourd’hui professionnel libéral (hors avocats), 440 euros s’il est fonctionnaire, ou 670 euros s’il est salarié ou indépendant.

Roselyne Poznanski, Les Echos

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