Comme bien souvent au lendemain d’une catastrophe aérienne, les questions sur le crash du vol Paris-Le Caire d’EgyptAir dans la nuit de mercredi à jeudi restent beaucoup plus nombreuses que les réponses. Que les débris découverts jeudi après-midi au large de l’île grecque de Karpathos appartiennent ou non à l’avion – un point sur lequel se sont contredits la compagnie égyptienne et le Comité grec de sécurité aérienne -, une chose est sûre : la destruction complète de l’Airbus A320 d’EgyptAir. Parti de Paris-CDG à 23 h 09 à destination du Caire, l’appareil avait à son bord 56 passagers – dont 15 Français, parmi lesquels Ahmed Helal, le directeur du site de production Procter & Gamble à Amiens -, 7 membres d’équipage et 3 officiers de sécurité. Tous ont péri dans cette catastrophe, la plus meurtrière depuis l’explosion en vol d’un charter russe parti de Charm el-Cheikh, le 31 octobre 2015.
Cependant, la ou les causes du drame étaient encore inconnues, jeudi soir, même si l’hypothèse d’un acte terroriste était considérée comme la plus probable par le ministre égyptien de l’Aviation civile. « Aucune hypothèse n’est écartée, aucune n’est privilégiée », affirmait, jeudi midi, François Hollande, qui fut le premier à annoncer le crash de l’appareil en mer.
Les principales données du vol MS804 fournies par les transpondeurs ABS-D, qui permettent de suivre les vols en temps réel sur Internet, semblent accréditer la thèse d’un événement aussi brutal que catastrophique en plein vol, à l’altitude de croisière d’environ 11.000 mètres, ayant entraîné la disparition quasi immédiate de l’appareil des écrans radar. De quoi accréditer la thèse de la bombe. A cette altitude, une explosion, même de faible puissance, peut en effet engendrer une dépressurisation explosive et la destruction instantanée de l’appareil. C’est ce qui s’était passé à bord de l’appareil de la compagnie Metrojet, en octobre dernier, détruit par un bombe artisanale de la taille d’une canette de soda, placée dans un bagage en soute. Cependant, d’autres informations plus ou moins fiables font douter de ce scénario. Selon le contrôle aérien grec, l’appareil n’aurait pas explosé d’un coup, mais aurait d’abord effectué deux manoeuvres brusques et inexpliquées – un virage de 90 degrés sur la gauche, suivi par un virage à droite à 360 degrés – avant de chuter brutalement de plus de 7.000 mètres pour finalement disparaître des écrans radar à environ 5.000 mètres d’altitude. De quoi laisser la porte ouverte à plusieurs hypothèses, allant de l’explosion à bord à toutes sortes d’incidents techniques catastrophiques.
Une enquête délicate
A moins d’une revendication formellement authentifiée par les autorités françaises et égyptiennes, la compréhension des causes de ce drame pourrait donc prendre du temps. D’autant que la récupération des enregistreurs de vol s’annonce encore incertaine. Si l’épave de l’appareil semblait avoir été localisé jeudi soir, au milieu de la Méditerranée, les « boites noires » restaient encore à localiser.
Les enquêtes techniques et judiciaires seront d’autant plus délicates que cette catastrophe survient dans un contexte particulier, aussi bien en France qu’en Egypte. Côté français, la possibilité qu’une bombe ait pu être placée dans un avion au départ de Roissy, malgré toutes les mesures antiterroristes prises depuis un an et demi, est potentiellement dévastatrice. Quant à l’Egypte, les problèmes récurrents de sécurité et de sûreté ont déjà valu à ce pays de faire l’objet de mesures de précaution exceptionnelles. Après avoir inspiré la création d’une liste noire des compagnies aériennes suite au crash de Charm el-Cheikh de 2004, l’Egypte a fait l’objet d’une consigne de l’Organisation de l’aviation civile internationale, recommandant aux compagnies aériennes de ne pas survolerle nord du Sinaï à moins de 7.900 mètres d’altitude. Ceci afin de parer à une possible menace de missiles sol-air. Une recommandation réservée, jusqu’alors, aux pays en guerre, comme l’Irak et la Syrie.
Bruno Trévidic, Les Echos
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