Le métier des assureurs est de prendre des risques, et de bien les gérer par la suite. En annonçant le départ d’Henri de Castries, son charismatique PDG, et son remplacement par Thomas Buberl, un quadragénaire allemand quasi inconnu en France, AXA en prend un. Ou, tout du moins, le premier assureur français fait un pari. Il ne sera pas simple de succéder au plus ancien des patrons du CAC 40, avec une longévité exceptionnelle de seize ans à la tête du groupe. Henri de Castries a des raisons de se flatter de son bilan. Il a rationalisé l’empire construit par Claude Bébéar, doublé la taille d’AXA et l’a positionné sur les marchés émergents. Le tout sans jamais perdre de l’argent, malgré la succession de trois crises majeures (krach Internet, « subprimes », zone euro).
Henri de Castries était surtout l’un des derniers représentants de cette race de patrons français aussi à l’aise dans son entreprise que dans le débat public. Capable aussi bien de parler de management et d’innovation que de la loi travail ou du Brexit. Aussi actif au Bielderberg, ce cénacle international de grands PDG, qu’à l’Institut Montaigne ou à l’Elysée. Fréquentant aussi bien Nicolas Sarkozy que François Hollande, son ancien camarade de la promotion Voltaire. Le choix de Thomas Buberl pour lui succéder marque à cet égard une vraie rupture. Ce n’est pas la première fois qu’un étranger va prendre les rênes d’un groupe du CAC 40. L’Américaine Patricia Russo chez Alcatel-Lucent ou le Germano-Canadien Chris Viehbacher chez Sanofi s’y sont déjà essayés, avec plus ou moins de succès. Mais Thomas Buberl sera le premier à la tête d’une institution financière française, où les relations avec les pouvoirs publics sont plus imbriquées qu’ailleurs. AXA n’est-il pas l’un des tout premiers détenteurs de dette française ?
Une vraie rupture donc, et un changement d’époque. Car ce choix montre aussi, en creux, à quel point les liens se distendent entre la France et ses champions nationaux. Leurs actionnaires sont majoritairement étrangers, tout comme leurs débouchés. Les transferts d’activités, de centres de décisions, voire de sièges sociaux prennent de l’ampleur. Les dirigeants n’hésitent plus à quitter Paris pour s’installer à proximité de leurs principaux marchés. Le passeport n’est plus un critère pour accéder aux plus hautes fonctions du CAC 40, et c’est heureux. Mais on peut juste regretter que, pour cette nouvelle génération de patrons, la France paraisse de plus en plus lointaine. Le climat des affaires, la fiscalité, la diabolisation des patrons agissent souvent comme des repoussoirs. Thomas Buberl va s’installer à Paris. Qu’il prenne lui aussi des risques, et nous surprenne par son regard neuf sur l’Hexagone !
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