Pour les organismes assureurs, il est urgent de ne pas se précipiter dans le très touffu dossier de la généralisation de la complémentaire santé. Alors qu’ils viennent d’être consultés sur le projet de décret précisant les dispenses d’affiliation aux couvertures collectives obligatoires et la mise en place du « chèque santé » qui permettra aux précaires de s’offrir un contrat individuel, ils jugent qu’une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2016 n’est pas tenable.

Dans un courrier commun envoyé le 8 décembre à la ministre de la Santé, le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) et la Mutualité française (FNMF) demandent ainsi « un report » de la publication de ce décret. « Les modalités de calcul du chèque santé soulèvent de nombreuses interrogations et interprétations sur les différents paramètres à retenir (cotisation de référence, proratisations liées à la durée du travail, coefficient majorateur) », écrivent-ils notamment dans cette lettre évoquée mercredi par « Le Parisien » et que s’est procurée « Les Echos ». Ce dispositif doit concerner les salariés dont la durée du contrat de travail est inférieure ou égale à trois mois ou ceux dont le temps de travail hebdomadaire est inférieur ou égal à 15 heures.

Plus largement, «  pour remplir leur rôle de conseil et pour adapter leurs garanties, nos organismes doivent disposer de textes clairs bien avant l’échéance. De plus, la nature des adaptations des accords collectifs sous-tendues par ce projet nécessite de prévoir un temps suffisant pour le dialogue social au sein des entreprises », insistent les trois familles d’assureurs.

L’autre sujet d’inquiétude exprimé à Marisol Touraine porte sur le projet de décret fixant les modalités tarifaires du maintien de la couverture santé pour les anciens salariés visés à l’article 4 de la loi Evin de 1989. Il est ainsi prévu que les nouveaux retraités souhaitant conserver cette couverture paient la première année le même tarif que les salariés actifs. Leur cotisation ne pourra pas être supérieure de plus de 25 % à celle des actifs la deuxième année, et de plus de 50 % à partir de la troisième année. Le projet de décret prévoit une application au 1er janvier 2017.

Chiffrer les besoins

« Un temps de concertation est nécessaire avant toute décision, pour prendre la mesure des modifications exigées », réclament les trois organisations. « C’est une mesure que nous n’avons jamais demandée, qui n’a pas fait l’objet d’une concertation ni d’une étude d’impact, alors qu’elle crée une vraie pression sur le modèle économique des complémentaires santé », déplore Emmanuel Roux, le directeur général de la Mutualité française, qui travaille actuellement à un chiffrage de cette mesure. L’impact pourrait être important. «  Si l’on fait l’hypothèse plausible que 30 % des retraités choisiront de conserver les garanties du contrat collectif, cela se traduira par un surcoût de 15 %. Il faudra bien répercuter ce surcoût quelque part. In fine, ce sont les entreprises et les salariés qui paieront plus cher », avance pour sa part Jean-Paul Lacam, le délégué général du CTIP. 

Laurent Thévenin, Les Echos