C’est un accord inédit dans le non-coté. Eurazeo et Axa ont annoncé lundi soir investir à hauteur de 380 millions d’euros dans les deux futurs fonds de l’un des spécialistes historiques du financement de dette privée, Capzanine. Le holding coté soutiendra un premier fonds de 300 millions d’euros qui investira en capital et en dette mezzanine d’entreprises de moins de 10 millions d’euros de résultat d’exploitation. L’assureur financera, lui, un second véhicule, dédié à la dette pour des entreprises au résultat opérationnel plus élevé et qui cible 800 millions d’euros de taille finale. La contribution d’Eurazeo s’élèvera au total à 100 millions d’euros

Grâce au soutien des deux institutionnels, Capzanine doublera sa force d’intervention. «  De plus en plus d’entrepreneurs qui réussissent veulent assurer une croissance pérenne à leur projet, tout en conservant le contrôle. Leur demande se fait de plus en plus forte. Or la Bourse offre peu d’opportunités, est volatile et exige une taille minimale. Il faut donc être capable de leur assurer d’autres solutions de financement qui limitent leur dilution. Et cela implique que nous-mêmes décuplions nos capacités avec une certaine taille critique, afin de leur offrir la palette d’intervention la plus complète possible », justifie Christophe Karvelis, le fondateur de Capzanine, qui gère aujourd’hui 1,1 milliard d’euros d’actifs.

Déploiement en Europe

«  Cela suppose aussi, ajoute-t-il, que nous ne restions pas franco-français. La France ne représente qu’un vingtième du marché américain et l’Europe elle-même que 30 % de celui-ci ». Capzanine va donc se déployer en Europe, dans un premier temps vers l’Espagne, puis le Benelux, et peut-être l’Italie. En outre, grâce aux implantations d’Eurazeo, «  nous pourrons aussi accompagner nos participations dans leur développement, en Chine, au Brésil ou outre-Atlantique, où Eurazeo peut se projeter à moyen terme », indique le dirigeant.

 

Les deux investisseurs y voient aussi un intérêt direct. Axa peut ainsi investir plus massivement dans la dette privée, plus rémunératrice que l’obligataire en période de taux bas, et capter directement un flux d’affaires. Pour Eurazeo, avant tout investisseur en capital, l’entrée dans les fonds Capzanine signe l’accès à une nouvelle expertise. «  Nous pouvions offrir des alternatives de financement, mais de manière très sélective au cas par cas à des équipes de management que nous connaissions bien, explique sa directrice générale Virginie Morgon. Nous ne voulions pas dévier de l’ADN d’Eurazeo, qui est de détenir le contrôle ou avoir une véritable influence. Pour intervenir dans cette nouvelle forme de soutien aux entreprises, le plus pertinent pour notre société est donc d’appuyer une équipe dédiée. »

En contrepartie à leur soutien, Axa et Eurazeo ont négocié une prise de participation de 22 % chacun au capital de la société de gestion Capzanine. «  Nous ne nous contentons pas d’être un actionnaire qui apporte des fonds à cette équipe, dit Virginie Morgon. En entrant comme administrateur de la société de gestion, nous participerons à la réflexion stratégique et nous partagerons les compétences respectives ». Il n’y a pas à terme a priori de volonté d’intégration de Capzanine dans Eurazeo, le management de Capzanine encore majoritaire ayant un droit de préemption sur le solde du capital. Pour Christophe Karvelis, «  conserver notre indépendance est aussi important, car nous ne voulons pas nous couper du reste du marché ». 

Anne Drif, Les Echos