Petit à petit les pensions des retraités s’éloignent du dernier salaire. Le taux de remplacement s’effrite au fil des générations, montre une étude que vient de publier la Direction de la recherche (Drees) du ministère des Affaires sociales. La génération née en 1946, qui a liquidé ses droits autour de 2006, touche à peu près les trois quarts du montant de son dernier salaire. Le taux de remplacement médian par les régimes de base et complémentaires, hors pensions de réversion, s’élève à 74 % chez les hommes, et à 72,5 % chez les femmes, qui ont moins souvent des carrières complètes. En comparaison, les retraités nés dix ans plus tôt perçoivent 80 % de leur dernier salaire.
Des carrières plus lucratives
Cet effritement n’est pas en soi alarmant. D’abord parce que le montant moyen des pensions continue à grimper : de 1.609 euros pour la génération 1936, il est passé à 1.672 euros pour la génération 1946. Ensuite, parce que la baisse du taux de remplacement signifie que les carrières sont plus lucratives qu’autrefois. Mieux on gagne sa vie, plus le taux de remplacement baisse. C’est mécanique. Les pensions de la génération 1946 sont calculées sur les 23 meilleures années de travail. Or les cadres très bien payés ont une plus grande amplitude de salaire au cours de leur carrière que les ouvriers qui débutent au SMIC et finissent à peine mieux rémunérés – sans même parler des personnes qui passent d’un minimum social au minimum retraite. Quant aux hauts fonctionnaires, qui touchent plus de primes que les agents moins qualifiés, ils sont pénalisés par la non-prise en compte de leurs primes dans le calcul de leur retraite.
Les réformes des retraites successives ont accentué la baisse du taux de remplacement. L’augmentation de la durée de cotisation de 37,5 à 40 ans, votée en 1993, a contribué à accroître l’amplitude des salaires entre le début et la fin de carrière. Au même moment, on a décidé de calculer le salaire annuel moyen sur les 25 meilleures années à partir de la génération 1948, contre 10 ans auparavant. Il a donc fallu remonter aux débuts professionnels, avec des salaires moindres, ce qui a forcément réduit les pensions.
Les mesures de redressement prises par l’Agirc-Arrco ont aussi tiré vers le bas les taux de remplacement des hommes – qui sont plus souvent cadres que les femmes, avec une part importante de leur retraite en dehors du régime de base. Ainsi, avec la baisse du rendement du point, le taux de remplacement médian via une pension complémentaire est passé pour eux de 33 % pour la génération 1936 à 29 % dix générations plus tard (hors retraite de base). La dégradation n’est sans doute pas finie, puisqu’une nouvelle négociation est en cours pour redresser le régime complémentaire de retraite des salariés du privé.