Après un durcissement tactique fin mai, le patronat vient d’adoucir légèrement sa position sur les retraites complémentaires des salariés. Vendredi soir, il a envoyé aux syndicats son troisième projet pour redresser les comptes de l’Agirc-Arrco. Les partenaires sociaux doivent en discuter ce lundi. Mais les positions sont encore bien éloignées. Sauf changement notable aujourd’hui côté patronal, il n’y aura pas d’accord. Il faudrait alors une nouvelle mouture en juillet ou en septembre, et un nouveau round de discussions.
Les partenaires sociaux, qui négocient depuis février, espéraient pourtant signer avant les grandes vacances. La situation du régime des cadres, l’Agirc, est en effet périlleuse. Il faut trouver les premiers milliards d’euros dès 2017, car ses comptes sont structurellement déficitaires et ses réserves s’amenuisent. En 2020, le montant d’économies annuelles nécessaires pour équilibrer les deux régimes s’élève à 8,4 milliards d’euros. Il y a d’autant moins de temps à perdre que faute d’accord sur l’Agirc-Arrco, il est difficile de lancer la négociation sur l’Unédic, dont les comptes sont aussi dans le rouge. Fin mai, Claude Tendil, le représentant de la délégation patronale, a rappelé que les partenaires sociaux ont jusqu’au 31 décembre pour conclure sur l’Agirc-Arrco.
En attendant, le nouveau texte patronal est une sorte de mise au point. Comme dans la version précédente, les salariés qui désirent partir à la retraite à l’âge légal, 62 ans, se verront appliquer une décote temporaire sur le montant de leur pension, même s’ils ont suffisamment cotisé. Au lieu d’être de 40 % la première année dans le précédent texte, elle débuterait à 30 %. La décote serait ramenée à 20 % à 63 ans et 10 % à 64 ans, avant une retraite à taux plein à 65 ans. Medef, UPA et CGPME entendent ainsi aller vers un âge de départ effectif à 65 ans, au grand dam des syndicats.
« On détourne l’âge légal ! », s’exclame Jean-Louis Malys, le négociateur de la CFDT. La confédération accepte le principe d’abattements temporaires, mais à 10 % maximum, ce qui ne raboterait « que » de 3 % les retraites totales (les retraites complémentaires représentent en moyenne 30 % de la pension pour un non cadre).
Pour faire passer la pilule, le patronat propose d’exonérer d’abattements les retraités les plus modestes. Cela ne suffit pas pour la CFDT, qui veut que les retraités bénéficiant d’un départ anticipé à 60 ans pour carrière longue soit aussi épargnés. « Nous voulons bien prendre des mesures conservatoires en attendant une refonte plus ambitieuse de l’Agirc-Arrco, mais là nous n’avons qu’un projet punitif et court-termiste », regrette le syndicaliste.
Si le patronat a besoin de la CFDT pour signer, il cherche aussi l’assentiment de la CFTC, à qui il promet désormais de conserver à 55 ans l’âge minimal pour toucher une pension de réversion. En revanche, il ne glisse aucun message à ce stade pour FO, qui exige une hausse des cotisations. La CGC, quant à elle, refuse toujours la fusion Agirc-Arrco. « Je vais demander qu’on supprime ce point, explique Serge Lavagna, le négociateur CGC. Nous n’avons pas d’attachement totémique à l’Agirc, mais il faut d’abord créer un statut de l’encadrement avant de parler de fusion. » Le « niet » est déjà moins catégorique qu’il y a un mois.