Le lien, je l’ai établi dès ma prise de fonctions en rencontrant tous les responsables professionnels et il s’est toujours maintenu. Reste qu’au-delà de la contestation de quelques dispositions du projet de loi santé, et notamment du tiers payant, ce mouvement de contestation s’est installé, car il a des racines plus profondes. Les conditions d’exercice des médecins sont devenues objectivement plus difficiles, car la pression des patients est plus forte, les pathologies chroniques plus complexes et – c’est en tout cas leur ressenti- leurs contraintes administratives plus lourdes. Les médecins aspirent à consacrer plus de temps aux soins. Ma mission, c’est évidemment la maîtrise des dépenses et l’amélioration de l’accès aux soins pour les patients. Cela doit être aussi de renforcer la qualité de service pour les professionnels de santé. Je veillerai à ce que l’Assurance-maladie soit attentive au quotidien des professionnels.
Comment ?
Un exemple. J’ai proposé au ministère de la Santé une simplification du régime des affections de longue durée, qui concernent 11 millions de personnes. On enregistre chaque année 2,6 millions d’entrées ou de renouvellement en ALD. Aujourd’hui, la décision prise par le médecin doit être approuvée par le contrôle médical, qui va jusqu’à signer le protocole de soins, ce qu’il fait évidemment dans plus de 95 % des cas. C’est une perte de temps et un manque de confiance dans les médecins. Cette signature ne serait plus nécessaire et l’avis préalable ne serait plus systématique. De plus, pour toutes les pathologies à évolution lente comme le diabète ou l’alzheimer, le renouvellement des droits ne se fera plus tous les cinq ans, mais tous les dix ans.
Les médecins contestent le tiers payant généralisé. Comment allez-vous procéder ?
Il faut d’abord distinguer les réserves de principe et les craintes d’ordre pratique sur les conditions de sa mise en oeuvre. La dispense d’avance de frais existe dans beaucoup de pays européens et concerne déjà plus du tiers des consultations en France. Le tiers payant généralisé correspond à une attente forte des assurés. Tout l’enjeu est que son déploiement ne dégrade en rien les conditions d’exercice des médecins. Je pense même qu’il peut contribuer à les simplifier en leur évitant demain toutes les opérations bancaires liées à l’encaissement des chèques et espèces qu’ils reçoivent chaque semaine.
Les médecins sont persuadés qu’ils auront davantage de contraintes…
Cela doit être le contraire. C’est l’objectif qu’ont fixé les pouvoirs publics au travers de la loi santé. Cela passe par trois engagements : le premier, c’est la garantie de paiement, qui sera acquise sur la base d’une vérification instantanée des droits des assurés à partir de la carte Vitale et, quand elle ne sera pas à jour, d’une base de données en ligne intégrée directement dans le logiciel du médecin. Le deuxième engagement, c’est la rapidité : la loi impose de ne pas dépasser un délai de 7 jours pour rembourser le médecin ; en réalité, 5 jours suffiront dans l’immense majorité des cas. J’ajoute que les délais seront publiés régulièrement. Le troisième engagement, c’est la simplicité dans le suivi des remboursements. Ces engagements, je les prends. La loi a prévu des étapes et, pour chacune d’elles, une période de test afin que chacun puisse vérifier que la pratique correspond bien à la théorie. C’est aussi une garantie très importante.
Les mutuelles sont déçues, car elles pensaient avoir un accès direct à l’assuré ou au professionnel de santé via la plate-forme tiers payant…
Le travail a commencé avec les organismes complémentaires afin de définir la future architecture. Comme la loi le prévoit, nous devrons partir des attentes des professionnels de santé, qui n’ont ni le temps ni l’envie de gérer de multiples interlocuteurs. C’est un impératif : nous devons mettre de côté les logiques institutionnelles et proposer des solutions les plus simples et les plus intégrées possible. Ce sera la responsabilité de l’Assurance-maladie de piloter le déploiement du tiers payant et d’assurer la cohérence globale du système.
Il reste des obstacles techniques : instabilité des droits, paiement des franchises…
La proportion de refus de prise en charge en tiers payant est comprise aujourd’hui entre 1 % et 2 %, en général parce que les droits des assurés ne sont pas à jour. C’est un taux que nous devons réduire drastiquement. Marisol Touraine a demandé d’ouvrir un chantier sur la continuité des droits pour les assurés qui changent de caisse primaire, de régime d’assurance ou de situation. Quant aux participations forfaitaires, en cas de tiers payant, elles sont aujourd’hui récupérées à la source sur un remboursement ultérieur. L’Assurance-maladie est donc déjà dans une logique de prélèvement ; si la loi nous donnait la possibilité de solliciter une autorisation de prélèvement bancaire, ce serait plus clair.