C’est une négociation à hauts risques qui s’ouvre aujourd’hui. En jeu : la préservation des deux régimes de retraite complémentaire des salariés du privé, l’Agirc pour les cadres, et l’Arrco pour tous les salariés. En dépit de l’accord précédent (2013), ces régimes gérés par les partenaires sociaux doivent trouver 5,5 milliards d’euros d’ici quatre ans pour équilibrer leurs comptes. Victimes du vieillissement de la population, ils versent plus de pensions qu’ils ne prélèvent de cotisations. Si rien n’est fait, l’Agirc aura épuisé ses réserves en 2018, et l’Arrco en 2027. Comme ils ne peuvent pas emprunter sur les marchés, contrairement à la Sécurité sociale, ils devraient alors diminuer le montant de la pension versée.

Du côté du patronat, la ligne est claire : il va falloir reculer les bornes d’âge. Idéalement, décaler l’ouverture des droits de 62 à 64 ans, et la pension à taux plein de 67 à 69 ans. Une méthode radicale mais efficace pour financer les retraites. Déçu que la mesure n’ait pas été mise en oeuvre pour le régime de base dans la loi de janvier 2014, le Medef veut l’appliquer aux complémentaires. Il parie que les salariés décaleront leur date de liquidation pour ne pas se priver de revenus : les retraites complémentaires pèsent un quart de leur pension totale (non-cadres), voire plus de la moitié (cadres).

 

Cependant, le report de l’âge est un repoussoir pour les syndicats, qui estiment en outre qu’il ne serait pas acceptable de déconnecter les règles d’âge entre régime de base et régimes complémentaires. Une piste pourrait émerger : instaurer une décote, mais qui ne durerait que deux ou trois ans (alors que ce mécanisme pèse aujourd’hui pour toute la retraite). Un salarié partant à 62 ans serait par exemple pénalisé, mais seulement jusqu’à 65 ans. Certains syndicats, comme la CGC (qui veut sauver l’Agirc), seraient prêts à en discuter, mais la mesure est très sensible. Pour éviter que la négociation se focalise sur les seules mesures d’âge, les représentants des salariés tentent de dédramatiser le débat. Pour Philippe Pihet, négociateur FO et vice-président de l’Arrco, il ne sera pas forcément nécessaire de trouver 5 milliards. Les prévisions d’épuisement des réserves noircissent le tableau en ne prenant pas en compte les gains financiers liés aux réserves actuelles, placées en Bourse. En 2013, l’Arrco a ainsi gagné 2,6 milliards d’euros, ce qui lui a permis de ramener son déficit net à 400 millions.

Reste qu’il faudra bien trouver plusieurs milliards. «  La seule chose qu’on sait, c’est que ce sera extrêmement difficile et que les mesures d’urgence ne suffiront pas », souligne Jean-Louis Malys, négociateur CFDT. L’augmentation des cotisations prônée par la CGT ou par FO ? Le patronat n’en veut pas et la CFDT elle-même est soucieuse de la compétitivité des entreprises. La sous-indexation des pensions, comme en 2014 et en 2015 ? C’est une piste sérieuse mais l’effet sera limité. «  Ca n’a servi à rien en 2014 et 2015 tant l’inflation a été faible », rappelle Serge Lavagna (CGC), et les prix ne vont probablement pas remonter de sitôt. Les partenaires sociaux se sont donné jusqu’à juin pour trouver des solutions. 

Solveig Godeluck, Les Echos