En six ans, le montant des actifs gérés par les plus importants fonds de pension d’entreprises du monde, dans seize pays, est passé de 20.000 milliards à 36.119 milliards de dollars. Une progression spectaculaire, selon l’étude menée par le cabinet Towers Watson. En 2008, les encours avaient chuté de 22 %, conséquence de la crise financière. Mais, depuis, ils n’ont cessé d’augmenter pour atteindre une croissance moyenne de 6 % par an, en dollars, depuis 2004. « Il y a un effet hausse du marché important. En 2013 et 2014, ils ont été porteurs, y compris les obligations, qui ont bien monté », constate Thierry de la Noue, consultant pour Towers Watson France.
Mais derrière cette progression constante se cache une mue importante du système de retraite par capitalisation dans le monde, avec une montée en puissance des régimes à cotisations définies (+ 7 % par an) au détriment des régimes à prestations définies (+ 4 % par an depuis 2004, lire ci-contre). En conséquence, les actifs des fonds de pension à cotisations définies sont passés en dix ans de 38 à 47 % du total des encours. Et ce n’est pas fini en raison du vieillissement de la population, qui entraîne un « risque de longévité » pour les entreprises. « Beaucoup d’entre elles avaient mis en place, pendant les Trente Glorieuses, ce système par prestations pour attirer et retenir les salariés. Conséquence, elles ont créé beaucoup de dette sociale, notamment dans les pays anglo-saxons qui reposent essentiellement sur les retraites par capitalisation. » Cette dette sociale, « devenue gigantesque », représente donc un risque pour les entreprises, rappelle Thierry de la Noue, « y compris pour celles du CAC 40 qui emploient beaucoup de personnes à l’étranger » et cotisent donc aussi à ces fonds de pension.
« Ce changement n’est pas neutre en termes d’allocation d’actifs », insiste Thierry de la Noue, chez Towers Watson. « Pour servir les rentes, c’est assez simple, il faut acheter des obligations et le coupon paie la prestation. Avec le système par cotisation, les entreprises sont incitées à demander à leurs gérants de prendre plus de risques et à se diversifier pour obtenir des rendements réguliers supplémentaires dans l’immobilier, les infrastructures ou la gestion alternative. » Ainsi, dans les seize principaux pays ayant développé des fonds de pension, l’allocation en produits obligataires est passée, en dix-neuf ans, de 40 à 31 %, alors que celle des actions a diminué de 49 à 42 %. En revanche, la part des produits alternatifs n’a cessé d’augmenter, passant de 5 à 25 % avec une prépondérance de l’immobilier. Autre signe de cette diversification du portefeuille des fonds de pension, « l e prisme national pour les actions a perdu de son importance », constate le cabinet. La part de l’actif investi en actions domestiques est passée de 65 % en 1998 à 43 % en 2014.
La France, dont le système des retraites est basé sur la répartition, connaît une croissance faible des encours (3 %) et reste un poids plume, malgré les appels à un développement de l’épargne longue. Pour Thierry de la Noue, « l’intérêt du système de répartition n’est pas en cause, mais c’est un système qui ne marche bien que quand la démographie est positive. Le rôle du législateur est d’aller vers plus d’épargne longue et la France ne pourra pas faire l’économie d’un deuxième étage avec plus de capitalisation, pour faire face au risque de longévité. »