Nous réalisons 90 % de nos revenus en Europe et nous sommes le deuxième plus important assureur de la région, ce qui explique que nous soyons très attentifs à son évolution économique. La situation actuelle ne ressemble en rien à la crise systémique que nous avons connue en 2011, qui se nourrissait d’un sentiment irrationnel de panique. Mais la crise européenne n’est pas derrière nous et elle requiert des actions fortes du pouvoir politique. Il est urgent de renforcer la zone euro afin qu’elle soit capable de jouer à armes égales avec les pays émergents, dont le pouvoir économique ne cesse de s’accroître. On ne peut se résigner à voir l’Europe devenir un simple « spot » touristique et gastronomique où il fait bon se prélasser ! L’Europe a encore énormément de potentiel. Les gens doivent comprendre qu’on ne peut pas revenir en arrière : la construction européenne est le fruit de deux guerres mondiales gravées dans toutes les mémoires. C’est un bien commun qu’il faut tout faire pour préserver.

 
 

Quels sont les principaux défis que doit relever l’Europe ?

L’atonie de l’économie est le principal obstacle à la bonne marche des entreprises. Certes, le monde entier subit un ralentissement économique, y compris la Chine et le Brésil. Mais la crise que nous traversons actuellement est spécifique à l’Europe et elle exige une réponse européenne. Il faut absolument relancer la croissance de la région en rétablissant la compétitivité des entreprises afin qu’elles retrouvent des marges de manoeuvre pour investir et créer de nouveau des emplois. Ce dernier défi est particulièrement important car il est essentiel de retenir notre jeunesse, de lui donner des perspectives.

Les choix faits par le gouvernement Renzi en Italie vous semblent-ils propres à relever ces défis ?

Matteo Renzi et son gouvernement s’attaquent à de nombreux problèmes structurels qui ont pesé sur la compétitivité de l’Italie pendant des années. Mais aucun pays européen ne peut résoudre cette crise à lui tout seul. La tâche de nos dirigeants politiques est difficile. La réponse à la crise ne peut être qu’européenne et j’espère qu’ils vont réussir.

Comment une entreprise comme Generali peut-elle apporter sa pierre à l’édifice ?

Ma contribution, c’est de tout faire pour que Generali soit solide, dégage des profits et grandisse. Je tiens à souligner que, en moins de trois ans, nous avons réussi à progresser sans jamais avoir reçu d’aides publiques ou avoir eu besoin de faire appel à nos actionnaires, au contraire de bon nombre d’autres assureurs. Nous sommes très fiers de ce que nous avons accompli jusqu’ici.

Cet environnement difficile ne vous fait-il pas regretter votre positionnement européen ?

Non, nous ne regrettons absolument rien, au contraire. L’assurance est un produit de pays développés : vous n’en achetez que si vous avez quelque chose à protéger, une voiture, une maison, des biens, dont vous êtes propriétaire. Si vous êtes en mesure de faire des projets, vous pouvez penser à souscrire des produits d’assurance-vie ou de santé. L’Europe reste à cet égard le continent le plus important pour le secteur de l’assurance. C’est une zone encore très riche et notre positionnement nous permet d’en tirer le meilleur parti. Bien sûr, les pays émergents sont très attractifs en termes de croissance potentielle de l’activité, mais plus incertains pour ce qui est de la rentabilité. Il faut donc y être lucide et sélectif. Nous souhaitons continuer de nous développer en Europe centrale, où nos positions sont fortes. De même, nous nous renforçons en Chine. Nous y sommes le premier assureur occidental et nous y dégageons des profits au travers de notre partenariat solide avec China National Petroleum Corporation. Mais, j’insiste, nous n’avons aucune intention de réduire notre exposition à l’Europe. C’est là que nous réalisons l’essentiel de nos profits.

Le niveau plancher des taux d’intérêt ne représente-t-il pas un défi supplémentaire pour un assureur ?

Dans le plan stratégique à trois ans que nous préparons, nous n’anticipons pas de remontée des taux. Si les Etats-Unis remontent les leurs, ce sera pour juguler un risque d’inflation nourri par leur reprise économique. Mais il y a peu de chances que cette mesure fasse tache d’huile dans la zone euro compte tenu du niveau très faible de la croissance européenne. En dépit de cette situation tendue, le plus grand défi que nous sommes en train de relever chez Generali consiste à faire du métier d’assureur lui-même la source essentielle de nos profits, alors que ce sont les revenus financiers qui ont longtemps permis au secteur de gagner de l’argent. Ce changement fondamental nous oblige à repenser nos organisations, à optimiser nos coûts et, surtout, notre relation avec nos clients. C’est un projet enthousiasmant.

Quels sont les défis actuels du secteur ?

Les points positifs sont que, malgré le contexte économique difficile, le métier de l’assurance-vie reste très résilient et l’assurance-dommages, globalement profitable. La vraie révolution pour notre secteur porte, comme je l’ai dit, sur la manière dont nous voulons servir nos assurés : nos organisations doivent passer d’une approche produit à une approche centrée sur les besoins des clients. Nous voulons faire la différence en proposant plus de services que les autres, en nous appuyant sur l’innovation technologique et l’innovation managériale. Dans ce domaine, Generali France va jouer un rôle de laboratoire au sein du groupe.

Quelles sont vos ambitions en France ?

Elles sont grandes. Sous l’impulsion d’Eric Lombard, directeur général depuis un an, un nouveau management et une nouvelle stratégie se mettent en place. Ils commencent déjà à porter leurs fruits. Nous avions perdu des parts de marché ces dernières années, du fait d’une politique de redressement technique nécessaire. Nous sommes en train de retrouver le chemin de la croissance rentable. Nous sommes dans le Top 5. Notre objectif est clairement de nous y renforcer.

Vos activités italiennes sont également dirigées par un Français. Quelle est sa feuille de route ?

La situation en Italie est différente. Philippe Donnet devait complètement reconfigurer l’activité autour d’une entité unique, Generali Italia. Il est en très bonne voie. Nous avons renoué avec la croissance, tout en abaissant la structure de coûts.

Où en êtes-vous dans le redressement de Generali ?

Nous sommes fiers de ce que nous avons fait pour restaurer si vite notre solvabilité. Nous sommes désormais une compagnie normalement capitalisée. Cela nous autorise à envisager de distribuer des dividendes au niveau attendu. En l’espace d’un an et demi à peine, nous avons cédé pour 3,7 milliards d’euros d’actifs dans des conditions de marché très difficiles et à des prix toujours satisfaisants. Nous sommes sortis de toutes les activités qui n’étaient pas liées à l’assurance, comme la banque privée. Nous avons pris la décision de vendre toutes nos participations, qui, certes, mettaient Generali au centre du capitalisme italien, mais qui rendaient notre positionnement difficilement compréhensible de l’extérieur. Nous avons réussi à prouver qu’une compagnie basée en Italie peut être parmi les meilleures du monde pour la transparence.

Vous avez donc fait perdre à Generali son « italianité » ?

Depuis ses origines, Generali n’a cessé de regarder vers le reste du monde. C’est dans notre ADN. Ce trait de notre caractère a toujours été et continuera d’être. Notre travail a consisté à améliorer la gouvernance afin de créer l’organisation qui est la nôtre aujourd’hui, et qui est probablement un standard dans notre secteur. Nous sommes complètement transparents sur la manière dont nous faisons nos profits et nous communiquons sur l’avancée de nos objectifs trimestre après trimestre.

Envisagez-vous désormais des acquisitions ?

Pour quoi faire ? En assurance, elles servent surtout à acquérir un réseau de distribution. Vu notre taille et la diversité de nos canaux de distribution, ce n’est pas une priorité pour nous. D’autant plus que les acquisitions sont généralement très consommatrices de temps. Je n’ai pas le souvenir récent d’une grosse opération de M&A qui ait été une réussite dans notre secteur… Nous allons donc continuer de nous concentrer sur notre croissance organique, même si nous pouvons faire des acquisitions pour accélérer notre développement dans les pays émergents, comme en Malaisie dernièrement. Mais ce sont des opérations moins significatives à notre échelle. 

Guillaume Maujean gmaujean@lesechos.fr Ninon Renaud nrenaud@lesechos.fr Laurent Thévenin, Les Echos