Le procureur Marc Robert propose des pistes au gouvernement.
Comment mieux protéger la France des cybercriminels ? Après maints reports, le rapport confié au procureur Marc Robert par les ministres de la Justice, de l’Intérieur, de l’Economie et du Numérique en juin 2013 a enfin été officialisé lundi, même si, entre-temps, Bernard Cazeneuve a remplacé Manuel Valls à l’Intérieur et Axelle Lemaire Fleur Pellerin au Numérique. Réorganisation du système judiciaire, adaptation des sanctions, mise en place de moyens d’action à l’international, le rapport de 277 pages passe en revue 55 propositions destinées à rendre la lutte contre la cybercriminalité plus efficace.
Parmi les pistes les plus marquantes, le groupe de travail suggère de réhabiliter la coupure d’accès Internet pour certaines infractions. Cette sanction, qui avait été instaurée pour protéger le droit d’auteur, a fait couler tellement d’encre que le gouvernement l’a supprimée l’an passé. En accord avec l’avis « implicite » du Conseil constitutionnel, le groupe affirme que la « sanction » pourrait être « pertinente » pour des « délits graves ou des crimes » et donc appliquée en « complément » à des peines s’appliquant pour des faits de pédopornographie.
Obligations renforcées
Plusieurs autres pistes visent les prestataires Internet. Si le rapport ne remet pas en cause la loi sur l’économie numérique de 2004, qui déresponsabilise a priori les intermédiaires techniques (fournisseurs d’accès Internet, hébergeurs…) pour les contenus qu’ils hébergent, l’objectif est de renforcer leurs obligations. Il s’agit par exemple de les forcer à réunir les preuves contre les auteurs de contenus illicites, voire qu’ils puissent mettre un terme à ces activités. Le rapport souhaiterait aussi obliger les acteurs américains, comme Google, Microsoft, Twitter, Facebook ou Yahoo! à mieux coopérer avec les services de police, à l’instar d’Orange, de Free ou de SFR, pour lesquels « l’obtention de données de connexion ne rencontre pas de problème de principe ». Ainsi, « le refus de réquisitions est la question la plus préoccupante » et « de nombreuses enquêtes se heurtent à l’absence de coopération ».
En revanche, Marc Robert n’est pas favorable au contournement du juge pour filtrer les sites Internet. Or, régulièrement, gouvernements de gauche et de droite – c’était le cas du cabinet de Fleur Pellerin – tentent d’étendre cette possibilité aux contenus autre que pédopornographiques, qui peuvent être bloqués hors contrôle d’un juge.
En parallèle, le rapport suggère de renforcer l’arsenal judiciaire. Ainsi, même si l’espionnage industriel, le vol ou la violation des secrets professionnels relèvent déjà du droit commun, il recommande d’incriminer spécifiquement « le vol de biens immatériels » au même titre que « le vol d’électricité ». Le cyberespionnage est devenu l’un des fléaux les plus craints par les entreprises. Marc Robert aimerait faire de l’usurpation d’identité, déjà punie par la loi, qui s’est accrue « dans des proportions considérables avec Internet » une « circonstance aggravante ».