Nicolas Madelaine Correspondant à Londres
LInvestment Management Association (IMA) est le lobby du secteur de la gestion d’actifs en Grande-Bretagne, l’équivalent de l’AFG en France. Julie Patterson y travaille depuis quinze ans, mais a annoncé il y a quelques jours qu’elle allait rejoindre fin août le cabinet de conseil KPMG pour devenir directeur au sein de la practice dédiée au secteur de la gestion d’actifs.
Quel type de distribution les nouveaux acteurs français de la gestion au Royaume-Uni vont-ils avoir à maîtriser ?
L’organisation de la distribution des fonds est assez différente au Royaume-Uni de celle qui a cours en France. Ici, elle ne passe pas principalement par les grandes banques de réseau. Ne serait-ce que parce que plus de la moitié de la gestion collective britannique est assurée par des acteurs indépendants, comme Schroders ou Aberdeen et beaucoup plus de petits établissements, qui n’ont pas de canaux de distribution. En fait, au Royaume-Uni, il y a une longue tradition de conseillers indépendants en contact avec les clients finaux. Il s’est récemment ajouté un étage dans la chaîne : on trouve des plates-formes Internet dont le rôle principal est de connecter les demandes des conseillers avec l’offre des sociétés de gestion plus efficacement.
Les gérants français doivent-ils passer des examens pour s’installer à Londres ?
Cela dépend. S’ils mettent en place une filiale britannique régulée par la Financial Conduct Authority (FCA), ils doivent passer le CFA (Chartered Financial Analyst). S’ils interviennent par le biais d’une agence, le régulateur ne peut pas leur imposer d’obtenir ce diplôme. Il y a des équivalences européennes.
La Retail Distribution Review (RDR), le pendant britannique de la directive européenne Mifid 2 sur la protection des investisseurs, a-t-elle terminé de bouleverser le marché britannique ?
Non. Ne serait-ce que parce que les acteurs anciens du métier ne sont pas tenus de passer au nouveau mode de facturation des fonds immédiatement pour tous leurs produits. Ensuite, les autorités réfléchissent à imposer à d’autres produits d’épargne les nouvelles règles. Nous sommes donc toujours en phase de transition. Nous constatons en tout cas que cela n’a pas affecté les flux d’argent dirigés vers la gestion collective. A ce sujet, une partie des conseillers qui ont cessé d’exercer parce que c’était trop difficile pour eux de s’adapter à la RDR – environ 15 % d’entre eux, selon le régulateur – orientait en fait une grande partie de l’épargne vers l’assurance-vie, parce que cela leur rapportait davantage de commissions. Cet argent risque de revenir vers la gestion collective.
La fin des annuités de retraite obligatoires pour les pensions d’entreprise annoncée par le gouvernement est-elle une bonne nouvelle pour la gestion ?
La règle n’est pas encore entrée en vigueur, nous attendons de connaître les détails. Mais oui, c’est potentiellement une très bonne nouvelle pour le secteur : une partie des sommes que les salariés pourront retirer en bloc lorsqu’ils partent en retraite pourrait être placée vers la gestion collective.
La gestion britannique domine-t-elle le paysage européen ?
Elle pèse 6.500 milliards d’euros, ce qui la place en tête avec 36 % des fonds gérés en Europe. La France arrive deuxième avec 20 % du total. L’Allemagne pèse un tiers de la Grande-Bretagne. En tout cas, une des grandes caractéristiques de la gestion britannique est qu’elle attire les souscripteurs étrangers : à hauteur de 40 % des fonds sous gestion, dont la moitié en provenance d’Europe : c’est un secteur exportateur, et ce plus qu’aucun équivalent sur les autres places financières européennes ! Il faut ajouter que la conjoncture actuelle est plutôt bonne pour le secteur en Grande-Bretagne : les flux de souscriptions sont forts.
La gestion britannique est-elle particulièrement novatrice ?
C’est un sujet sensible. Les fonds calibrés pour rapporter tel ou tel montant à telle ou telle échéance (« liability driven ») sont nés à Londres. Mais mes confrères français diront que leur pays a été plus novateur en matière d’Ucits (ensemble des règles européennes sur les fonds d’investissement) !