Thibaut Madelin Correspondant à Berlin
Le timing n’a sans doute pas été choisi par hasard. La veille d’une nouvelle baisse des taux attendue de la Banque centrale européenne, le gouvernement allemand a présenté mercredi son projet de réforme de l’assurance-vie visant à protéger ce placement vedette malmené par l’environnement de taux bas. Il y a urgence. « Dans un scénario de stress avec un environnement prolongé de taux bas, plus d’un tiers des assureurs-vie allemands ne seraient pas capables de remplir les critères de fonds propres relatifs aux règles actuelles de solvabilité (Solvabilité I) d’ici à 2023 », indiquait la Bundesbank en novembre.
Parmi les mesures annoncées : le taux de rendement minimum garanti aux nouveaux souscripteurs sera à nouveau abaissé à 1,25 % au 1er janvier 2015, après avoir déjà été ramené à 1,75 % en 2012. De quoi réduire l’attraction d’un placement très populaire en Allemagne, où l’on compte 93 millions de contrats pour 80,5 millions d’habitants.
Selon le ministère des Finances, le taux moyen garanti sur la totalité des contrats existant s’élève à 3,2 % mais les assureurs trouvent difficilement des placements assurant de tels rendements. Par exemple, les bons du trésor allemand affichent un taux de 1,4 %. « Les faibles taux d’intérêt posent de grands défis aux sociétés d’assurance, a expliqué le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble. Avec cette réforme, nous nous assurons que les engagements pris pourront être remplis. Nous conservons de la sorte la stabilité et la robustesse des assurances-vie pour la prochaine génération. »
Plus-values latentes
La réforme s’attaque à plusieurs problèmes, dont les « réserves d’évaluation » ou plus-values latentes, que les assureurs-vie doivent reverser depuis 2008 pour moitié aux clients dont les contrats arrivent à expiration. Celles-ci seront adaptées pour faire en sorte que les clients en fin de contrat ne soient pas avantagés au détriment des autres. Alors que certaines compagnies sont dites chancelantes, les autorités pourront s’opposer au versement de dividendes aux actionnaires d’un assureur, si celui-ci ne semble pas en mesure d’honorer ses promesses.
Si les mesures semblent faire consensus sur le fond, le rythme accéléré du projet de loi est critiqué. L’Association des assurés (BDV) reproche au gouvernement de vouloir adopter la loi dès juillet, empêchant les clients de résilier leur contrat sans renoncer à une partie des plus-values latentes. Ce passage en force fait craindre à certains un échec du processus, à l’instar de ce qui s’est passé en 2012. Le gouvernement d’Angela Merkel avait alors adopté dans la précipitation un projet de loi qui avait ensuite été torpillé par le Bundestag.