L’accord européen trouvé en novembre sur Solvabilité Il, le futur cadre prudentiel du secteur de l’assurance, n’a pas chassé une préoccupation majeure, au contraire. « La politique d’investissement des entreprises d’assurances sera dans les prochaines années un élément essentiel du financement de l’économie. Or, les assureurs seront-ils encore incités à financer des actifs longs et à prendre en charge des risques longs, alors que l’anticipation de Solvabilité II et la crise financière les ont conduits à adopter un comportement de plus en plus similaire à celui des autres acteurs de la finance ? », s’inquiète le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans une étude qui sera présentée ce mardi en assemblée plénière, en présence de Michel Barnier, le commissaire européen au Marché intérieur et aux Services.
« Parmi les risques liés à la mise en oeuvre de la directive, on peut craindre une plus grande frilosité des compagnies à investir en actions du fait d’une pondération importante du risque qui leur est attaché », prévient ainsi cette étude. Sans compter que la comptabilisation en valeur de marché retenue dans Solvabilité II « introduit de facto dans le système une volatilité assez générale ». Les assureurs n’ont d’ailleurs pas attendu pour ajuster leur politique d’investissement. Entre 2007 et 2012, la part des actions et des OPCVM dans leurs placements est passée de 29,2 % à 21,5 %, souligne l’étude.
Les mécanismes contra-cycliques introduits par le compromis de novembre 2013 – en particulier l’« ajustement de volatilité » – pourraient permettre de limiter les dégâts. Encore faut-il, comme le soulignait dernièrement la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) que les mesures d’exécution de ce compromis reprennent bien « les modalités techniques du “volatily adjustement” ». La FFSA se disait également attentive à ce que soient prises en compte les dernières études disponibles pour un meilleur calibrage de certains risques d’investissement, comme le capital-investissement.
Pour enfoncer le clou, l’étude du Cese dresse un tableau noir d’un éventuel désengagement des assureurs. « Cela renforcerait la domination des intervenants de court terme (…), qui ont des stratégies de valorisation rapide et une forte mobilité. Les marchés n’en seraient que plus instables », écrivent ses auteurs. « Il y a un risque de répercussion sur les grand groupes cotés, déjà largement détenus par des investisseurs non résidents et sur le financement des entreprises en fonds propres : un marché moins irrigué par une épargne longue est moins disposé à apporter des capitaux propres supplémentaires aux sociétés », ajoutent-ils.
Selon le Conseil économique, social et environnemental, on n’aurait pas« suffisamment » pris en compte l’impact cumulé de Solvabilité II et de Bâle III qui se traduit déjà par « une tendance au ralentissement des financements bancaires, qui risque de peser sur les PME ». Des questions se posent aussi sur le financement de projets d’infrastructure, s’inquiète l’étude.