Durant une décennie, de 2002 à 2012, Joe Ackermann a marqué comme aucun autre président avant lui la destinée de Deutsche Bank. Sa stature lui avait également valu d’être sollicité par les grands de la politique durant la crise financière. Son départ de la première banque allemande en mai 2012 a été gâché par une querelle interne sur sa succession. Le Suisse conservait néanmoins des fonctions d’influence en étant président du groupe suisse d’assurances Zurich Financial, et vice-président du conseil de surveillance de Siemens. Mais son départ successif en l’espace de quelques semaines de ces deux postes marque la fin peu glorieuse de sa carrière.
Il reste à Josef Ackermann, soixante-cinq ans, des mandats au sein du conseil du groupe pétrolier Shell, ainsi que du financier EQT, contrôlé par la famille suédoise Wallenberg. Hier, Siemens lui a trouvé un successeur au conseil, qui est de près de vingt ans son dauphin, le Danois Jim Hagemann Snabe, coprésident de SAP. De cette manière prend fin une très ancienne relation entre la première banque allemande et le géant munichois de l’industrie, chez lequel l’établissement de Francfort avait toujours un siège au conseil. Les nouveaux dirigeants de Deutsche Bank n’étant pas prêts à prendre la relève. Une nouvelle étape vers la dissolution de la Deutschland AG faite de ces participations croisées entre sociétés allemandes et dont Ackermann avait dénoué bien des liens au cours de sa présidence de Deutsche Bank.
Les mémoires du banquier, titrées « Remords tardifs » et écrites par son ancien directeur de la communication, Stefan Baron, n’intègrent pas les derniers rebondissements intervenus à Zurich et Munich. Dans la ville suisse où sa carrière a commencé, il a jeté début septembre l’éponge de la présidence de Zurich Financial après le suicide de son directeur financier, Pierre Wauthier. La famille de ce dernier est d’avis qu’Ackermann devrait y prendre sa part de responsabilité, quand l’intéressé refuse toute mise en cause. Et chez le bavarois Siemens, le limogeage précipité fin juillet du patron Peter Löscher a valu un duel, perdu par le Suisse, contre l’oukase du président du conseil de surveillance, Gerhard Cromme, autre figure de l’économie pas épargnée par la critique.
Par ces « remords tardifs », Ackermann semble se prêter à l’autocritique. En Allemagne, son geste déplacé du « V » de la victoire au premier jour de son procès en 2004 dans l’affaire des parachutes dorés chez Mannesmann en a fait le bouc émissaire d’une classe de banquiers arrogants. Il a été par la suite à la fois loué pour sa stratégie mettant le cap sur la banque d’investissement et ses juteux bénéfices, et critiqué en étant l’ambassadeur d’un capitalisme anglo-saxon débridé. Survint la crise en 2007 qui « a changé la finance mondiale, mais aussi moi-même », disait-il la semaine dernière.