Il part de zéro, mais a de grandes ambitions. Le Qatar veut créer à Doha une véritable plate-forme financière spécialisée dans la gestion d’actifs. C’est en tout cas la mission confiée depuis 2005 à la Qatar Financial Centre Authority (QFCA), un organisme qui est régulièrement de passage en France pour convaincre les sociétés de gestion de s’installer.
La QFCA – l’équivalent de Paris Europlace – est la branche commerciale du Qatar Financial Centre. Le QFC, composé d’un régulateur (la Qatar Regulatory Authority) et d’une autorité judiciaire (le Qatar Regulatory Tribunal) avait été chargé en 2005 par le gouvernement de créer un centre financier digne de ce nom. Désormais, il lui faut trouver les opérateurs financiers. Seul problème, la taille du pays constitue une limite à l’attrait des investisseurs et des sociétés de gestion, ne serait-ce qu’en raison du nombre restreint de sociétés cotées (42 actuellement). Mais le très riche pays gazier voit à plus long terme. Il espère entre 150 et 200 milliards de dollars sous gestion en 2020.
« Nous voulons devenir un hub pour les futurs gérants qui voudront investir dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique, à l’image de ce qui a été fait par Singapour pour l’Asie », indique Shashank Srivastava, directeur général de la QFCA. Le pays vise surtout les sociétés françaises : « En matière d’environnement légal et réglementaire, nous nous sommes inspirés des Anglo-saxons, mais, sur la construction du secteur lui-même, c’est la gestion française qui constitue pour nous une référence. Ce qui nous intéresse, c’est son expertise dans des domaines très variés, des stratégies, des classes d’actifs et des produits très différents », explique Shashank Srivastava.
Une fiscalité attractive
Doha a déjà mis en place deux partenariats avec Barclays et Credit Suisse. Deux groupes dans lesquels le fonds souverain du Qatar avait pris une participation en 2008. Avec Credit Suisse, il a créé une coentreprise spécialisée dans la gestion actions pour les pays de la zone Europe, Moyen-Orient, Afrique. Avec Barclays, 250 millions de dollars (192 millions d’euros) de « seed money » (capital d’amorçage) ont été investis dans une division spécialisée dans le capital-investissement dans le secteur des ressources naturelles, Barclays Natural Resource. L’équipe concernée de Barclays s’est installée au Qatar, où elle gère environ 2,5 milliards de dollars.
« Nous discutons avec six ou sept autres sociétés de gestion pour développer ce type de partenariat », indique Shashank Srivastava. Procédant par étapes, le QFCA veut en tout cas accueillir tout le monde, des géants de la gestion aux boutiques voulant se développer à l’international. Pour cela, il aura aussi des incitations diverses ; les infrastructures, bien sûr, mais aussi la fiscalité. Seule une taxe de 10 % est appliquée sur les bénéfices générés localement.
Pour les sociétés de gestion, les fonds d’investissement qui sont enregistrés au Qatar seront exemptés d’impôt durant toute leur durée de vie. Aucune retenue sur la distribution en dehors du fonds, quelle que soit la localisation du destinataire, ne sera non plus appliquée. Axa IM serait parmi les premières sociétés de gestion à disposer d’une licence. Le Qatar peut aussi compter sur sa notation AA et sa croissance économique à deux chiffres pour attirer les investisseurs.
Réjane Reibaud, Les Echos