Au-delà des quelques cas qui défraient de temps à autre la chronique, comme ce Marseillais qui se faisait rembourser de fausses factures médicales et hospitalières auprès de 73 mutuelles de santé, la fraude à l’assurance reste mal connue du grand public. Sans doute parce qu’il est très difficile de mettre des chiffres sur ce fléau et que les assureurs sont réticents à communiquer sur le sujet. Mais le phénomène est massif, à en juger par les statistiques présentées la semaine dernière par Insurance Europe, l’association européenne des assureurs. D’après ce rapport, les cas frauduleux, qu’ils soient détectés ou non, représenteraient près de 10 % de la charge totale de sinistres sur le Vieux Continent.
En Grande-Bretagne, par exemple, les assureurs ont mis au jour en 2011 plus de 138.000 sinistres frauduleux pour un coût total de 983 millions de livres (1,15 miliard d’euros), soit 5 % de plus que l’année précédente. Mais il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg, puisque la fraude non détectée s’élèverait, elle, à 1,9 milliard de livres outre-Manche.
En France, on constate aussi une augmentation du phénomène – qui serait, de l’avis général, encore plus vivace en période de crise économique, avec son lot de déclarations de sinistres manifestement exagérées ou d’incendies suspects. D’après les données de l’Agence pour la lutte contre la fraude à l’assurance (Alfa), les assureurs-dommages ont ainsi recensé plus de 35.000 sinistres frauduleux en 2011, soit presque trois fois plus qu’en 2003, pour un montant total de 168 millions d’euros (contre 47 millions huit ans plus tôt). Quant au coût réel de la fraude, il est estimé à 2,5 milliards d’euros (« Les Echos » du 24 octobre 2012). En Suède, les cas décelés ont atteint 40 millions d’euros en 2011. Tout aussi édifiant, dans un sondage réalisé en 2012, 27 % des Finlandais disaient connaître une personne « qui a trompé sa compagnie d’assurances », contre 25 % en 2011…
Comme ne manque pas de le souligner Insurance Europe, ce phénomène massif a évidemment un coût puisqu’il est répercuté dans les primes d’assurance. Autrement dit, ce sont les « honnêtes consommateurs » qui paient la facture au final. D’après l’association des assureurs britanniques (ABI), la seule à donner un tel chiffre, la fraude entraînerait ainsi en moyenne un surcoût de 50 livres par assuré et par an !
« Ce n’est pas un crime insignifiant », insiste Insurance Europe, en évoquant des études qui « suggèrent qu’elle finance et facilite d’autres activités criminelles sérieuses ». Les assureurs ont donc pris le problème à bras-le-corps, avec des approches et des moyens très variés d’un pays à l’autre. Ici, comme en Allemagne, en Espagne ou aux Pays-Bas, par exemple, ils échangent des informations entre eux. Là, comme en France, en Suède ou au Royaume-Uni, des agences sont chargés de mener des investigations sur la fraude.