Les malheurs de Standard & Poor’s laissent augurer des jours difficiles pour les deux autres grandes agences de notation, Moody’s et Fitch. Alors que S&P est accusé par la justice américaine d’avoir sciemment surnoté des produits financiers sophistiqués adossés aux prêts « subprime », Wall Street s’attend à ce que les deux autres grandes agences entrent dans le collimateur du Département de la Justice. Elles aussi ont accordé des notes de premier ordre aux mêmes titres qui se sont révélés toxiques et ont provoqué des pertes colossales au bilan de nombreuses banques dans le monde. La Commission d’enquête sur la crise financière, dans son rapport final de 2011, critiquait sévèrement les trois. Alors que l’action de McGraw-Hill, maison mère de S&P, chutait de 27 % la semaine dernière, après l’annonce des poursuites par Washington, le titre Moody’s perdait 22 %. Fitch, coentreprise entre Fimalac et le groupe de médias Hearst, n’est pas coté.
A Wall Street, selon une rumeur, le gouvernement cherche une revanche contre S&P, qui a dégradé la note souveraine des Etats-Unis en août 2011. Mais l’enquête de la justice a démarré avant 2011. Par ailleurs, après la dégradation, le Trésor a pu emprunter à des taux historiquement bas…
En attendant, S&P organise sa défense, car l’enjeu est colossal : le procureur général des Etats-Unis réclame jusqu’à 5 milliards de dollars de dommages. L’agence de notation ne va pas utiliser la défense qu’elle a mise en avant jusqu’à présent dans les litiges qui l’opposaient à des investisseurs privés : le premier amendement de la Constitution, qui garantit la liberté d’expression. En revanche, l’agence va tenter de démontrer qu’elle a donné ses notes en toute bonne foi et sans chercher à se concilier les banques émettrices de ces produits. S&P va aussi contester la base juridique choisie par l’accusation, une loi de 1989 votée suite à la crise des caisses d’Epargne. Pour l’instant, 13 Etats se sont joints à la procédure du Département d’Etat, et d’autres pourraient s’agréger à la plainte prochainement. Dans ce contexte, et non sans ironie, Fitch a dégradé la note de McGraw-Hill, de A- à BBB+, avec perspective négative.
Pour compliquer le tout, le procureur général de l’Etat de New York est en train d’enquêter pour déterminer si les trois grandes agences ont bien appliqué l’accord signé en 2008 avec son prédécesseur Andrew Cuomo, en vue d’améliorer leurs pratiques. Si elles ne s’y sont pas conformées, elles risquent toutes les trois des poursuites.