L’assureur AIG préfère finalement éviter le scandale : après avoir laissé planer le doute quelques jours, il a fait savoir hier soir qu’il ne porterait pas plainte contre l’Etat américain, se dissociant ainsi de certains actionnaires qui estiment avoir été spoliés lors du sauvetage de 2008 et réclament 25 milliards de dollars au gouvernement. Après un conseil d’administration hier matin, le président du groupe, Robert Miller, a tenté d’apaiser les choses en indiquant qu’AIG« continuait de remercier l’Amérique pour son soutien ».
Les experts étaient nombreux à avoir anticipé ce dénouement, jugeant peu probable que l’entreprise prenne le risque de l’impopularité : « Je ne vois pas AIG faire un énorme bras d’honneur à ceux qui l’ont sauvé », indiquait mardi Neil Barofsky, ancien responsable du programme de sauvetage des banques (TARP). Le seul fait qu’AIG envisage cette démarche avait provoqué, hier matin, un tonnerre d’indignation dans la presse américaine, sur les réseaux sociaux et même au Congrès.
L’initiative avait effectivement de quoi choquer : comme Lehman Brothers, l’entreprise a failli sombrer en septembre 2008, après avoir lancé des paris très hasardeux sur les « credit default swaps » (CDS), ces assurances contre le défaut de paiement. Elle ne doit sa survie qu’à l’Etat, qui lui a consacré plus de 182 milliards de dollars sous forme de liquidité et de garanties. « C’est comme si un malade faisait un procès à son docteur pour lui avoir sauvé la vie », résume Mark Williams, professeur de finance à l’université de Boston. Le groupe, qui n’a pas peur du paradoxe, vient d’ailleurs de lancer une campagne publicitaire autour du slogan « Thank you America » pour remercier les contribuables de leur aide.
Les actionnaires qui poursuivent leur démarche en solitaires ne contestent pas que le soutien de l’Etat était nécessaire. Mais ils estiment qu’il s’est fait à de très mauvaises conditions pour eux. Leurs intérêts étaient défendus, hier, par un homme qui connaît l’entreprise mieux que personne : Maurice Greenberg, patron d’AIG pendant une quarantaine d’années, qui en était encore le premier actionnaire en 2008. C’est lui qui a engagé cette plainte contre le gouvernement américain, dès 2011.
Que lui reproche-t-il exactement ? D’avoir dilué le poids des actionnaires en acquérant 92 % du capital de l’entreprise et en lui appliquant des taux d’intérêt « punitifs », à hauteur de 14 %. L’Etat a effectivement beaucoup gagné dans cette opération (23 milliards de dollars au total). Il aurait également violé le cinquième amendement de la Constitution, qui interdit à la puissance publique de prendre possession de la propriété privée « sans une juste compensation ». Ces arguments n’ont pas convaincu le tribunal de New York, qui a déjà rejeté la requête des actionnaires. Ceux-ci ne disposent plus que d’un dernier recours, à Washington.