En plein redressement, c’est une mauvaise publicité dont Groupama se serait volontiers passé. Sa décision, vendredi dernier, de ne pas verser un coupon de 63 millions d’euros sur des emprunts obligataires arrivant à échéance fin octobre lui a valu une volée de bois vert de la part de Fitch et de Standard & Poor’s, qui ont tous les deux dégradé sa note de solidité financière. Chez l’assureur, on concède aujourd’hui avoir commis une erreur d’appréciation : « Nous avons insuffisamment mesuré le risque de créer un précédent sur le marché, même si nous étions complètement dans notre droit pour exercer cette option de non-paiement. » Le groupe mutualiste comprend d’autant moins la réaction des agences de notation que cette opération lui a permis de gagner un point de marge de solvabilité. « C’est également méconnaître la situation bilancielle de Groupama. Nous avons aujourd’hui plusieurs milliards d’euros de liquidités, nous avons saturé notre compartiment de dette hybride et notre première échéance de remboursement n’arrive pas avant 2015 », détaille-t-on en interne.

Cette annonce a également pu relancer les spéculations sur la situation financière de l’assureur, juste au moment où il arrive au terme du programme de cession d’actifs engagé à la suite des difficultés de l’an passé et où il vient de rembourser les 300 millions d’euros prêtés dans l’urgence par la Caisse des Dépôts et Consignations. Au plus mal en 2011, un exercice bouclé sur une perte de 1,76 milliard d’euros et une marge de solvabilité tout juste au-dessus des exigences réglementaires, Groupama estime aujourd’hui avoir fait le gros du travail : « Nous avons réussi à vendre quatre compagnies d’assurances sur un marché que l’on disait fermé, nous avons réduit notre exposition actions d’un tiers et rétabli notre marge de solvabilité. » Les différentes ventes (ses filiales espagnole et britannique, les portefeuilles d’assurance-dommages et transport de GAN Eurocourtage, un immeuble de prestige sur les Champs-Elysées) lui ont rapporté plus de 1 milliard d’euros au total. De quoi soulager la marge de solvabilité attendue autour de 120 % à fin 2012, contre 113 % à fin juin.

Pas question pour autant pour Groupama de relâcher ses efforts, lui qui est engagé dans un programme d’économies drastiques avec trois plans de départs volontaires à la clef (chez GAN Assurances, au sein du holding Groupama SA et chez Groupama Supports et Services).

« En moins de neuf mois, nous avons remis le groupe debout sans obérer ses chances », affirme-t-on au sein du groupe dirigé par Thierry Martel depuis maintenant presque un an. Son périmètre est aujourd’hui stabilisé, explique-t-on au siège parisien. Autrement dit, rien ne justifierait de nouvelles cessions. Il reste néanmoins à trouver un repreneur pour le pôle de « private equity », un dossier qui susciterait des marques d’intérêt. Il n’est également pas exclu que Groupama se sépare de sa petite filiale portugaise si l’occasion se présentait.

Un an après le limogeage de Jean Azéma, l’ancien directeur général, l’assureur veut pouvoir enfin reprendre le cours normal de son existence. «  Depuis le 1er septembre, nous sommes entrés dans une phase où nous gérons le groupe comme si la crise n’avait pas existé », entend-on rue d’Astorg. Comme annoncé, il s’agit désormais de passer « d’une stratégie de taille à une stratégie de performance ».« Nous allons nous recentrer sur notre métier d’assureur au lieu de chercher à gagner notre vie sur des plus-values financières », explique-t-on en interne.

Groupama devrait présenter en février sa nouvelle feuille de route. Elle devrait notamment comprendre un gros volet sur les métiers d’épargne, car, « vu l’environnement de taux d’intérêt, l’assurance-vie en euros a ses plus belles heures derrière elle ». Dans l’immédiat, l’assureur va demander à son réseau de repartir à la conquête sur l’épargne, après avoir levé le pied sur cette activité en 2012.

LAURENT THÉVENIN