Paquebot de l’épargne française, l’assurance-vie traverse des eaux agitées. Et pas seulement parce qu’elle a été l’une des victimes collatérales de la crise de la zone euro à l’automne 2011. Depuis près d’un an maintenant, le régime fiscal du placement préféré des Français fait l’objet d’attaques répétées. Après une première offensive avortée du gouvernement au printemps dernier, c’est désormais le camp de François Hollande qui envisage sa remise en cause en cas de victoire à la présidentielle.
Dans un pays contraint d’assainir ses finances publiques à marche forcée, ce pactole de 1.400 milliards d’euros à l’abri du droit fiscal commun suscite forcément les convoitises. La tentation est d’autant plus forte qu’en ces temps de chasse à la niche fiscale, l’assurance-vie apparaît comme la première d’entre elles. Elle coûte chaque année 1 milliard d’euros au budget de l’Etat. Et, même si son régime a été écorné ces dernières années – comme celui de la plupart des placements -, il reste, et de loin, le plus favorable de tous. Une sorte de paradis fiscal à l’intérieur de nos frontières. La solution brandie par tous les gestionnaires de fortunes aux épargnants tentés ces temps-ci par l’expatriation fiscale.
Dans ces conditions, rien de plus facile que de diaboliser cette spécificité française et de considérer qu’il est urgent de lui retirer ses privilèges exorbitants. Ce serait une erreur. Ce serait oublier que l’assurance-vie est le seul produit d’épargne de long terme de l’arsenal des placements français. Pour bénéficier de sa fiscalité avantageuse, huit années sont nécessaires. Du coup, la suppression de cette incitation se traduirait instantanément par un raccourcissement de la durée de vie des contrats. Or c’est cette durée qui fait toute la différence. Car elle donne aux gestionnaires des 1.400 milliards d’euros la possibilité d’investir à long terme, ce qu’aucun autre produit d’épargne, y compris le Livret A, ne permet directement aujourd’hui.
Dès lors, si une réforme de l’assurance-vie est urgente, une chose est sûre, elle ne doit pas être fiscale. Elle doit au contraire avoir pour objectif de redonner du sens à ce dispositif, afin de justifier l’effort consenti par les finances publiques. Cela passe d’abord, comme le préconise la Cour des comptes, par un alignement du délai de huit ans sur la date de versement des fonds, et non plus sur celle d’ouverture du contrat. Cela passe surtout par un fléchage plus efficace de cette manne vers les besoins réels de financement de l’économie. Qu’il s’agisse d’accroître les fonds propres des entreprises, de porter des projets immobiliers ou de financer de nouvelles infrastructures, les missions potentielles, à l’évidence, ne manquent pas.