Les entreprises auront du mal à être totalement indemnisées des conséquences des ruptures d’approvisionnement liées au séisme et au tsunami japonais. La production de pièces ou matériaux de bon nombre de leurs fournisseurs implantés au pays du soleil levant a été durablement perturbée par la catastrophe. « La difficulté est d’identifier les carences à chaque niveau de la chaîne de logistique. Les dossiers sont difficiles à monter car il faut évaluer la cause exacte de la perte de chiffre d’affaires, et parfois l’entreprise n’a aucun contrat direct avec les fournisseurs de son propre fournisseur », explique Sophie Mauvieux, administrateur de l’Association pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise (Amrae) et responsable risques et assurances de Gemalto. De plus, comme l’observe Anne-Marie Fournier, responsable du pôle traitement des risques à l’Amrae, « les limites des garanties ?carence fournisseurs? représentent entre 10 % et 20 % des garanties tremblement de terre de chaque contrat ». Presque trois mois après les événements, « certains de nos clients ne constatent que maintenant qu’ils ont une interruption de production d’un fournisseur due au tremblement de terre ou au tsunami japonais », souligne Philippe Maraux, directeur du département Dommages du courtier d’assurance Marsh France. Si de nouvelles indemnisations peuvent être versées au fil des carences constatées, la prise en charge par les assureurs des pertes de chiffre d’affaires avérées n’est de toute façon que partielle.
Les Garanties en question
« Beaucoup d’assureurs sont aujourd’hui dans l’expectative : s’il est vrai qu’ils ont défini un panel très large de fournisseurs pouvant être affectés, de nouvelles carences non prévues initialement peuvent émerger tardivement ». Il faut rappeler que les pertes totales du secteur de l’assurance mondial à la suite du tremblement de terre japonais sont évaluées au maximum à 34 milliards de dollars par le modélisateur de risque AIR Worldwide. Les assureurs et réassureurs, estiment néanmoins avoir visé large. « Nous avons fait un inventaire des contrats susceptibles d’être touchés. Les assurés couverts dans ces contrats ne sont pas tous affectés et, lorsqu’ils le sont, ils ne sont pas tous indemnisables de la même manière. Cela dépend notamment des garanties qu’ils ont souscrites », déclare ainsi Victor Peignet, directeur général de Scor Global P&C (dommages). De manière générale, les garanties « carence fournisseur » ne prennent en compte que les pertes de chiffre d’affaires liées à des dégâts matériels eux-mêmes liés à la catastrophe naturelle.
Pour être indemnisées, les entreprises doivent avoir au préalable souscrit des polices « Master » qui sont « émises localement dans le cadre d’une négociation globale », indique Philippe Maraux de Marsh France. Mais « l’indemnisation sera variable si le fournisseur a été nommé dans le contrat ou s’il ne l’a pas été. Les fournisseurs les moins clés ne sont en général pas nommés, et le plafond de remboursement pour ces derniers est plus bas ». De plus, si une entreprise peut obtenir la pièce manquante chez un autre fournisseur, seul un éventuel surcoût sera assuré. Enfin, le chiffre d’affaires perdu n’est garanti que pendant une période de 36 mois maximum.