LAURENT THÉVENIN
LE DISPOSITIF, QUI FACILITE LA RÉSILIATION, A FAIT AUGMENTER LE TURNOVER DES CONTRATS CHEZ LES ASSUREURS. LE PHÉNOMÈNE PROFITE D’ABORD ET AVANT TOUT AUX BANCASSUREURS.
Le mouvement est parti. Deux ans après son entrée en vigueur, le 1er janvier 2015, la loi Hamon, qui permet aux consommateurs de changer de contrat d’assurance auto ou habitation (MRH) à tout moment dès lors qu’ils sont engagés depuis plus de 12 mois, produit bel et bien ses effets.
Une enquête réalisée par Odoxa pour le comparateur LesFurets.com publiée ce mois-ci, montre que cette loi s’est installée dans le paysage. Désormais, 71 % des Français disent en avoir déjà entendu parler (+ 8 points par rapport à 2015). « Mais ils ne sont pour autant qu’une minorité à être passés à l’action », relève Hamid Benamara, le directeur général de LesFurets.com. 15 % des personnes interrogées répondent ainsi avoir utilisé cette possibilité pour résilier leur contrat. C’est tout de même un chiffre en hausse de 6 points par rapport à 2015. Par ailleurs, 8 % des consommateurs en ont profité pour aller rediscuter avec leur assureur actuel, précise le comparateur.
Plus d’impact sur l’auto
Si certains acteurs semblent encore jouer au poker menteur quand ils évoquent le sujet, les assureurs font aujourd’hui face, dans l’ensemble, à davantage de résiliations qu’avant la mise en oeuvre de cette mesure. « En 2015, 10 % de nos affaires nouvelles sont venues de la loi Hamon. A fin 2016, cette part a grimpé à 25 %. C’est davantage que dans nos projections initiales. Il y a eu une forte accélération sur les trois derniers mois », indique pour sa part Pascal Gonzalvez, directeur général de L’olivier-assurance auto, un assureur direct. Il veut notamment y voir « une meilleure compréhension des avantages de cette loi par les assurés ».
En 2015, le turnover global des portefeuilles sur le marché français avait augmenté de près de 1 point en auto, d’après les données de la profession. « De septembre 2015 à septembre 2016, on constate, du côté des assureurs traditionnels et des mutualistes, une hausse moyenne de 1 à 2 points du taux de rotation des portefeuilles. L’impact est plus marqué pour l’auto, ce qui tient au fait que la sensibilité des consommateurs au prix est autrement plus forte sur ce produit que sur la MRH », avance François Nédey, directeur technique assurances de biens et de responsabilités d’Allianz France. Un autre assureur dit avoir subi « une hausse de 0,5 à 1 point de [ses] résiliations, en ligne avec ce que nous avions anticipé ». Mais le mouvement s’est un peu tassé en 2016. Selon la Fédération française de l’assurance (FFA), les taux de résiliation attendus en 2016 seront très proches de ceux observés en 2015.
« A fin 2016, la croissance du taux de résiliation s’est ralentie, voire stabilisée. Tout se passe comme si la loi Hamon avait créé un mouvement supplémentaire sur la frange des clients qui auraient changé d’assureur de toute façon », observe François Nédey.
Une véritable aubaine
Pour 2017, les assureurs se disent dans l’expectative quant à la montée en puissance de la loi Hamon. « Nous sommes dans un environnement beaucoup moins prévisible qu’auparavant », explique-t-on chez Allianz France. « Certains acteurs, qui ont beaucoup souffert du fait de la loi Hamon, vont sans doute réagir », anticipe l’assureur.
Les bancassureurs s’annoncent comme les grands gagnants de cette réforme. Ils étaient déjà à l’offensive en assurance-auto et en MRH avant la loi Hamon. Celle-ci s’avère être une véritable aubaine pour les groupes bancaires, qui ont davantage d’occasions de contact avec leurs clients que les assureurs. Alors qu’il leur fallait auparavant viser la bonne fenêtre de tir (juste avant la date anniversaire du contrat) pour tenter de faire basculer un assuré chez elles, « les banques en profitent aujourd’hui pour faire davantage de push », constate Stanislas Di Vittorio, le président et fondateur du comparateur Assurland.
De la nécessité d’anticiper les départs
L. T.
LES ASSUREURS TENTENT DE REPÉRER LES SIGNES AVANT-COUREURS DE RÉSILIATION.
Les assureurs sont sur le qui-vive. Ils ont désormais pris la pleine mesure de la loi Hamon, qui facilite, depuis début 2015, la résiliation des contrats d’assurance auto et habitation. Ils savent qu’ils ont désormais en face d’eux des clients susceptibles de les quitter quand ils le veulent après un an d’ancienneté. Et que les modalités de résiliation ne font de surcroît pas leurs affaires. « La résiliation est gérée par le nouvel assureur. Cela change beaucoup les usages. Avant, il fallait demander le relevé de situation à son assureur, ce qui était un signal fort. Maintenant, le coup n’est pas rattrapable pour l’ancien assureur, une fois que les démarches sont lancées. Cela suppose d’être davantage dans l’anticipation », explique Hamid Benamara, directeur général du comparateur LesFurets.com.
Danger permanent
Comme le résume Stanislas di Vittorio, le président et fondateur du comparateur Assurland, « la zone de danger est désormais permanente pour les assureurs », alors que le risque de résiliation était autrefois très circonscrit dans le temps, au moment de la date anniversaire du contrat. Ce qui les oblige donc à changer de perspective. « Nous avons le sentiment, dans les demandes qui nous sont adressées par les assureurs, que l’attention portée aux signes avant-coureurs d’une résiliation est plus grande. Ils regardent, par exemple, beaucoup plus les avis laissés par les clients sur notre site Opinion Assurances », indique Stanislas di Vittorio.
« Il est primordial de repérer dans nos portefeuilles les clients qui peuvent être attaqués par nos concurrents et anticiper les risques de résiliation », confirme François Nédey, directeur technique des assurances de biens et de responsabilités d’Allianz France. Cette démarche est d’autant plus nécessaire sur un marché saturé et marqué par l’avancée continue des bancassureurs, qui ont un avantage concurrentiel fort en étant beaucoup plus en contact avec des clients potentiels dans les agences bancaires. « Nos analyses clients montrent avant tout que les clients font face à des sollicitations commerciales accrues de la part de certains opérateurs », souligne Alain Burtin, directeur des marchés et du développement produits chez Allianz France. Cet assureur dit ainsi avoir « affiné ses outils de défense ». Le dispositif « a fonctionné », affirme François Nédey, qui refuse d’entrer dans les détails.
Avec la loi Hamon, les assureurs ont plus que jamais pris conscience de l’enjeu de fidéliser davantage leurs clients. D’autant qu’il leur coûte plus cher de conquérir de nouveaux assurés. D’où, affirment-ils, une attention plus grande portée à la qualité de service. « Cela peut paraître évident, mais les clients qui sont régulièrement vus par leur conseiller ont moins tendance à résilier que les autres. Il est aussi impératif d’optimiser le parcours client, et tout particulièrement deux moments critiques que sont la gestion d’une réclamation et le traitement d’un sinistre, afin d’éliminer toute source de mécontentement », indique Alain Burtin.
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