LAURENT THÉVENIN

LES COTISATIONS VONT PROGRESSER L’AN PROCHAIN EN MOYENNE DE 0,5 % À PLUS DE 2,5 % EN AUTOMOBILE. LES MAJORATIONS SONT UNE NOUVELLE FOIS PLUS IMPORTANTES EN HABITATION, ENTRE 1 % ET 4 % EN MOYENNE.
L’affaire est entendue. Les tarifs de l’assurance auto et habitation (MRH) vont globalement augmenter en 2017. Signe qui ne trompe pas, les assureurs ne se bousculent pas pour communiquer sur le sujet. Cette année, certains préfèrent attendre le plus tard possible pour fixer leurs tarifs et avoir une grande visibilité sur leurs résultats techniques. D’autres ne veulent pas dévoiler leur jeu dans un marché très concurrentiel…

D’après les données compilées par « Les Echos », les hausses s’annoncent néanmoins un peu plus marquées qu’en 2016. Selon les politiques commerciales des compagnies, elles ne seront évidemment pas du même niveau partout. Chez Swiss Life, elles seront ainsi inférieures à 1 % en moyenne en auto. « Nous pouvons nous le permettre, parce que nous avions augmenté un peu plus que le marché les années précédentes et que nous avons enregistré moins d’accidents graves en 2016 », explique Pierre François, directeur général de Swiss Life Assurances de Biens. Certains clients auront même de bonnes surprises. A la Matmut ou à la MACSF, par exemple, les tarifs n’augmenteront pas pour une partie importante du portefeuille auto. L’Olivier – Assurance Auto, un assureur direct qui veut gagner des parts de marché, gèle les siens pour les nouveaux clients. De manière générale, les pratiques tarifaires sont de plus en plus segmentées (lire ci-contre).

Auto : le coût des réparations augmente
« L’année a été mauvaise en auto en 2016 », résume un assureur qui change ses tarifs au 1er avril. Ce qui se traduit par des revalorisations moyennes pouvant aller jusqu’à 2,5 % (hors taxes). Ces majorations restent somme toute mesurées. L’auto étant un produit d’appel, les assureurs y regardent à deux fois avant de faire des redressements forts. « La loi Hamon [qui facilite les résiliations, NDLR] nous incite à avoir une politique tarifaire constante dans le temps », souligne Tanguy Le Maire, chargé de la clientèle des particuliers chez Generali France. Parmi les éléments inflationnistes, les assureurs mettent en avant le renchérissement des coûts des réparations. « Il est d’environ 2 % en 2016, ce qui est significatif », souligne Jean-Marc Willmann, directeur général adjoint assurance à la Maif. Le secteur s’inquiète aussi toujours du coût des dossiers « corporels ». « Les tribunaux accordent des indemnisations de plus en plus importantes, avec une multiplication des postes de préjudice », souligne Stéphane Dessirier, directeur général de la MACSF.

Les taux bas peuvent aussi peser sur les tarifs. Ils viennent en effet mécaniquement revaloriser les provisions à constituer en vue du versement des rentes futures aux victimes d’accidents de la route. Celles-ci étant placées, elles sont calculées par rapport à une perspective de rendement futur. Si les taux baissent, il faut donc mettre de côté davantage d’argent. « Jusqu’à présent, nous avions réussi à absorber la baisse des taux dans notre politique de gel des tarifs. Mais ce n’est plus tenable », explique Jean-Marc Willmann, alors que la Maif va devoir compléter ses provisions à hauteur de 50 millions d’euros.

Habitation : les inondations pèsent lourd
La tendance reste la même en multirisque habitation, un marché qui accumule déjà plusieurs années d’augmentations successives. Les revalorisations moyennes pour 2017 s’étalent entre 1 % et 4 % (hors taxes). Elles tiennent évidemment compte du coût des inondations de la fin mai et du début juin. Au-delà, les assureurs doivent procéder à un rattrapage sur un risque largement sous-tarifé. « Il manque 20 % de primes sur le marché pour être à l’équilibre. Mais les hausses que nous passons année après année ne sont pas suffisantes pour remonter la pente, étant donné que nous faisons face à une sinistralité climatique toujours plus importante », avance Stéphane Dessirier.

Le poids des taxes
Les assurés ne s’en apercevront peut-être pas au premier coup d’oeil. Mais leur facture sera aussi alourdie par le poids des taxes. Au 1er janvier 2017, la contribution prélevée sur chaque contrat d’assurance-dommages pour financer le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) va ainsi passer de 4,30 euros à 5,90 euros, après avoir déjà été relevée de 1 euro début 2016. « La Maif a supporté le poids des taxes ces trois dernières années. Mais comme nous augmentons nos tarifs, nous allons cette fois répercuter la taxe FGTI », détaille Jean-Marc Willmann.

Un prix peut en cacher un autre…

Les professionnels de l’assurance le reconnaissent bien volontiers et s’en agacent parfois. Il est de plus en plus difficile de s’y retrouver dans les évolutions tarifaires annoncées par les uns et les autres pour l’auto et l’habitation. Et encore plus cette année, semble-t-il, alors que certaines compagnies ont fait le choix de communiquer sur des augmentations hors taxes, sous prétexte que ces dernières ne sont pas de leur fait. Certains donnent même désormais des chiffres pour la médiane, plutôt que pour la moyenne…

S’en dégage donc l’impression d’un maquis toujours plus dur à débroussailler. Et ce n’est de toute façon qu’en recevant leurs avis d’échéance que les assurés sont fixés sur leur sort. Derrière les moyennes annoncées, les écarts peuvent être très grands d’un client à un autre, selon leur véhicule ou leur historique d’accident, par exemple. Ce n’est pas une nouveauté en soi. Mais, et c’est un fait notable : les assureurs vont, dans l’ensemble, toujours plus loin dans la segmentation de leurs politiques tarifaires. « L’assurance est de plus en plus soumise à une tension entre la mutualisation, qui reste le fondamental du métier, et l’individualisation, vers laquelle nous poussent l’analyse des données et le Big Data », explique ainsi Tanguy Le Maire, en charge de la clientèle des particuliers chez Generali France.

Choyer les meilleurs clients
Cette segmentation toujours plus fine va de pair avec le besoin qu’ont les assureurs de choyer plus que jamais leurs bons clients. Une nécessité sur un marché tendu et rendu encore plus concurrentiel par la possibilité qu’ont désormais les consommateurs de changer de contrat d’assurance auto ou habitation quand ils le veulent au bout de douze mois d’engagement. « Tout le monde redoute les résiliations après augmentation. Nous segmentons donc davantage en cherchant à limiter les hausses pour les bons risques et en appliquant des majorations beaucoup plus fortes sur les risques plus sinistrés », indique Stéphane Dessirier, directeur général de la MACSF.

« Les coûts d’acquisition sont tels que le multi-équipement est une vraie source de valeur. C’est pourquoi nous distinguons les clients qui ont plusieurs contrats chez nous et ceux qui nous font confiance le plus longtemps », abonde Tanguy Le Maire. Selon lui, cela pousse à envisager différemment la manière de fixer les tarifs, avec une approche à la fois plus globale et plus prospective. « Pour demain, nous envisageons de passer à une tarification du client et de son potentiel, en prenant en compte son univers de besoins et aussi son environnement familial et professionnel », avance-t-il. Autrement dit, il faudra être prêt à lâcher du lest sur certains contrats, en faisant le calcul que le client pourra rapporter bien plus par ailleurs.
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