« J’attends cette année une baisse significative du taux de rémunération des contrats d’assurance-vie. » Cette petite phrase, prononcée par Christian Noyer au détour d’une audition au Sénat, a dû faire s’étrangler plus d’un épargnant. De quel droit le gouverneur de la Banque de France fait-il ainsi pression sur les assureurs pour qu’ils traitent moins bien leurs clients ? Les taux servis aux assurés ne seraient-ils donc pas libres dans un marché concurrentiel ? Le patron de l’association Afer a même vu dans ces déclarations « une atteinte à la démocratie financière de nature à faire peur aux épargnants ». Ce au moment où la collecte d’assurance-vie bat son plein : plus de 17 milliards d’euros ont déjà été récoltés cette année.
Une atteinte à la démocratie financière ? Les propos sont sans doute excessifs. Mais force est de constater que les épargnants paient déjà un lourd tribut à la crise. Tandis que les taxes augmentent sur le capital, que les banques centrales maintiennent les taux d’intérêt à des niveaux proches de zéro, la réglementation prudentielle force assureurs et fonds de pension à investir dans des produits sûrs mais aux rendements minimes, comme les obligations souveraines. C’est ce qu’on appelle la « répression financière ». Et cela ressemble fort à un impôt forcé sur les épargnants pour permettre aux Etats de financer à bon compte leurs montagnes de dettes publiques…
Et si les rendements de l’assurance-vie accélèrent leur décrue, vers quels placements vont se tourner les Français ? Vers le Livret A, qui ne rapporte presque plus rien et qui n’a guère besoin de fonds supplémentaires pour soutenir le logement social ? Vers les comptes sur livrets, de manière à redonner un peu d’oxygène à des banques en mal de liquidités ? Les déclarations de Christian Noyer semblent pour le moins contradictoires avec les intentions du gouvernement d’encourager les épargnants à prendre plus de risques, afin de mieux financer nos PME.
Le gouverneur de la Banque de France, qui est également président de l’autorité de contrôle (ACPR), est pourtant dans son rôle lorsqu’il adresse une telle mise en garde. Car il est garant de la stabilité financière et de la bonne santé du secteur. Or, la baisse des taux est un phénomène durable, qui fait peser un risque sur le bilan des assureurs. Il faut avoir en mémoire la déroute des compagnies japonaises, à la fin des années 1990, pour avoir promis des rendements trop importants alors que les taux tendaient vers zéro. A la fin, tout le monde fut perdant : les épargnants japonais et l’Archipel tout entier, qui vit disparaître nombre de ses fleurons. Dans une optique de long terme, il est sage et sain que les taux des contrats s’ajustent encore à la baisse en France. C’est dur à avaler pour les assurés, mais c’est le prix de la sécurité