Après dix ans d’efforts, Solvabilité II prend enfin corps après l’accord européen trouvé la semaine dernière. Harmonisant les règles qui définiront le niveau minimum de fonds propres des assureurs européens en 2016, ce texte évitera les distorsions de concurrence qui découleraient de règles trop différenciées. Au-delà, il révolutionne le cadre d’évaluation des risques, en les simulant de manière plus prospective, et en s ‘assurant que, même en cas de scénario extrême, les niveaux de fonds propres seront suffisants pour faire face aux engagements pris vis-à-vis des assurés.
L’enjeu était donc que ces modalités nouvelles, a priori plus protectrices, restent raisonnables et n’exigent pas de besoins supplémentaires insupportables en capitaux. Le compromis trouvé préserve ces équilibres, en intégrant nombre des demandes des assureurs. Il prend ainsi en compte la diversification de leur portefeuille et le foisonnement de risques qui en découle, comme le souligne Christophe Eberlé, président d’Optimind Winter. Autre acquis majeur : l’« ajustement de volatilité ». Celui-ci évitera que les exigences de fonds propres varient trop fortement en fonction de mouvements de marché court terme, alors que les engagements sont en grande partie, via l’assurance-vie par exemple, de long terme. Un accord raisonnable donc, dans la négociation duquel les parties françaises ont joué un rôle important. D’où le soulagement exprimé par les assureurs lors de la conférence organisée vendredi par la Fédération française des sociétés d’assurances.
La discussion n’est pour autant pas tout à fait terminée, les paramètres fins du dispositif devant encore être traduits dans les textes d’application de l’accord. Le diable est comme toujours dans les détails…
Un seul point noir, mais de taille, n’est toujours pas pris en compte : comment les assureurs pourront-ils encore, avec ces nouvelles règles, financer efficacement l’économie ? Cette économie a besoin, pour se développer, non seulement de prêts, mais aussi de fonds propres. En l’état actuel, Solvabilité II incitera les assureurs à réduire nettement leurs investissements en actions, car le coût en capital imposé pour ce type de placement est très pénalisant. Une contrainte qui a déjà poussé certains d’entre eux à abaisser à quelques pourcents seulement la part des fonds placés en actions.
L’Europe, une fois de plus, s’en tient à son approche historique, qui consiste à éviter toute distorsion de concurrence, ce qui est évidemment un bon objectif. Une véritable stratégie européenne, de long terme, qui incite les investisseurs à soutenir le développement des entreprises, c’est encore plus indispensable.