LAURENT THÉVENIN
LES POSSIBILITÉS NOUVELLES DE CHANGEMENT DE CONTRAT DÈS JANVIER 2018 AIGUISENT TOUS LES APPÉTITS. LES BANQUES DEVRAIENT RIPOSTER À L’OFFENSIVE ANNONCÉE DES ASSUREURS ALTERNATIFS.
Branle-bas de combat général sur le très lucratif marché de l’assurance-emprunteur à l’approche du 1er janvier 2018. Dans moins de trois mois, il deviendra possible pour tous les consommateurs de changer tous les ans l’assurance de leur crédit immobilier. Ce qui va donner aux fournisseurs de contrats individuels l’opportunité d’aller reprendre des affaires aux établissements bancaires. « Je ne connais pas un seul acteur – assureur, mutuelle ou institution de prévoyance – qui ne réfléchisse au sujet », observe un grand opérateur.
Malgré les lois Lagarde de 2010 (sur la déliaison du crédit et de l’assurance) et
Hamon de 2014
(sur la possibilité de changer de contrat dans l’année suivant l’obtention du prêt), les banques se taillent toujours la part du lion. En 2016, leurs contrats d’assurance groupe vendus en même temps que le crédit représentaient 85 % des cotisations totales, soit autant qu’en 2015, selon les statistiques de la Fédération française de l’assurance. « Mais, aujourd’hui, environ 30 % des affaires nouvelles se font en délégation [hors contrats groupe, NDLR], dont la moitié par les banques elles-mêmes via leurs propres offres individuelles », indique Roger Mainguy, le directeur général d’April Santé Prévoyance.
Selon lui, il ne faut toutefois pas s’attendre « à un effet big bang dès le 1er janvier 2018 ». « Mais il sera essentiel d’être prêt à ce moment-là, car la fenêtre de tir pour travailler le portefeuille devrait être de deux, trois ans maximum. Au-delà, il ne restera plus beaucoup de clients pour lesquels il serait intéressant de changer d’assurance », anticipe-t-il.
« Nous nous sommes mis en configuration dès cette année, en simplifiant les formalités médicales pour les emprunteurs jusqu’à 46 ans et pour un montant de capital allant jusqu’à 300.000 euros et en ajustant nos tarifs à la baisse pour les jeunes. Avec ces quelques mesures, nous avons déjà réussi à faire davantage d’affaires nouvelles », déclare Luc Romanillos, directeur IARD et techniques assurances à la MACSF.
Pour les acteurs dits « alternatifs » – compagnies d’assurances, courtiers,
fintech
-, la clef de la réussite résidera dans la rapidité d’exécution. « C’est pour cela que nous venons de digitaliser entièrement notre offre, y compris pour la sélection médicale », explique Nathalie Aubonnet, directrice prévoyance individuelle chez AXA France.
Particulièrement offensive, la Macif espère aussi faire la différence avec un service d’aide au changement d’assurance. « C’est parfois un parcours du combattant pour le client. Depuis plusieurs années, via notre entité spécialisée Securimut, nous effectuons toutes les démarches à leur place. Nous sommes maintenant bien rodés aux arguments et aux diverses manoeuvres des banques », détaille Jean-Michel Courant, directeur développement et marketing de Macif Mutualité.
La riposte des banques et de leurs filiales d’assurance – peu désireuses de communiquer sur le sujet – devrait être à la hauteur de l’enjeu pour elles. Alors que les établissements bancaires gagnent de moins en moins d’argent sur le crédit immobilier, l’assurance-emprunteur revêt en effet une importance grandissante dans leur modèle. Certains répliqueront avec leurs offres « alternatives ».
« Nous n’avons pour l’instant pas mis à disposition de nos réseaux bancaires d’offres individuelles, parce que nous n’avons pas constaté une baisse significative de nos taux de couverture après la loi Hamon », signale toutefois Bernard Le Bras, président du directoire de Suravenir, la filiale d’assurance de personnes du Crédit Mutuel Arkéa. « Nous avons choisi un contrat très couvrant, ce qui nécessite donc que le contrat alternatif présenté par le client pour la substitution soit lui aussi très couvrant, puisqu’il doit avoir des garanties équivalentes », précise-t-il.
En revanche, le bancassureur breton va travailler à
une tarification sur le capital restant dû
pour se caler sur les standards des contrats alternatifs. « Certaines banques ont commencé à segmenter leurs critères tarifaires », constate également Luc Romanillos.
Dans ce contexte,
les concurrents des banques s’attendent à une rude bataille
. « Rien n’est gagné d’avance. Si les assureurs alternatifs arrivaient à gagner 10 points de part de marché en trois ans, ce serait déjà énorme », estime Jean-Michel Courtant. Il s’agira surtout de viser les bonnes cibles, puisque, selon Roger Mainguy, « il faut que le client fasse une économie d’au moins 25 à 30 % pour qu’il ait envie de changer ».
La concurrence accrue devrait entraîner une baisse des tarifs
L. T.
LA COMPÉTITION VA ÊTRE ENCORE PLUS ACHARNÉE SUR LA CIBLE DES 30-45 ANS, DONT LE RISQUE EST BON.
Les consommateurs peuvent, a priori, se frotter les mains. La foire d’empoigne qui s’annonce sur le marché de
l’assurance-emprunteur à partir du 1er janvier 2018
pour les pousser à changer de contrat devrait leur bénéficier. Alors que la concurrence va venir de toutes parts, « les prix vont inévitablement baisser », résume Roger Mainguy, directeur général d’April Santé Prévoyance.
En tout cas, le mouvement est déjà enclenché. « De façon étonnante on voit certaines banques consentir à leurs clients, en cours de prêt, des remises défensives de 50 % sur la prime de l’assurance-emprunteur », affirme Jean-Michel Courtant, directeur développement et marketing de Macif Mutualité. « Nous réfléchissons nous-mêmes à des formules encore plus adaptées à ce contexte changeant, et plus compétitives », ajoute-t-il.
80 % des banques pratiquent des dérogations tarifaires
Sans surprise, c’est la cible des 30-45 ans – un bon risque – qui aiguise tous les appétits. « Ce sont les plus attentifs à l’écart de prix et les plus appétents pour faire ce changement de contrat qui nécessite d’entreprendre des démarches. Ce sont aussi des personnes qui ne risquent a priori pas d’avoir de problèmes médicaux au moment de la souscription », résume Nathalie Aubonnet, directrice prévoyance individuelle chez AXA France.
Les banques font déjà tout pour éviter qu’ils aillent ailleurs. « Nous avons des mécanismes de baisse tarifaire pour les jeunes dans notre contrat groupe », explique par exemple Bernard Le Bras, président du directoire de Suravenir (Crédit Mutuel Arkéa). L’an dernier déjà, 80 % des banques avaient indiqué au
Comité consultatif du secteur financier
(CCSF) pratiquer des dérogations tarifaires.
Revers de la médaille, cette guerre des prix va évidemment faire baisser les marges. « Mais c’est une activité qui restera quand même rentable », glisse Luc Romanillos, directeur IARD et techniques assurances à la MACSF.
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