Banquiers et assureurs aux prises avec leur régime de TVA
SHARON WAJSBROT
LA COUR DE JUSTICE EUROPÉENNE A INVALIDÉ LE RÉGIME DE TVA AUQUEL SONT SOUMIS LES BANQUES ET LES ASSUREURS FRANÇAIS. CETTE DÉCISION POURRAIT ENGENDRER UNE SURCHARGE FISCALE DE PRÈS DE 2 MILLIARDS D’EUROS POUR L’ENSEMBLE DU SECTEUR FINANCIER.
C’est un sérieux casse-tête qui s’amorce pour les directeurs fiscaux du secteur financier. Fin septembre la Cour de Justice de l’Union européenne a déclaré non conforme au droit communautaire les méthodes selon lesquelles les banques et les assureurs français
réduisent l’impact de la TVA sur leurs comptes annuels
. Inattendue, la décision pourrait être lourde de conséquences pour l’ensemble du secteur. « La décision de la Cour heureusement n’est pas rétroactive, mais dans les prochaines années, elle pourrait entraîner une surcharge fiscale majeure, soit près de 2 milliards d’euros par an pour l’ensemble du secteur financier », estime le responsable fiscal d’un grand groupe bancaire français.
Une mécanique très utilisée
Dans le détail, « la Cour a considéré que seules les entreprises qui visent l’intérêt général peuvent créer des entités dédiées (groupements de moyens) pour exonérer de TVA les services réalisés par celles-ci au bénéfice du groupe », explique Elvire Tardivon-Lorizon, avocate associée chez Grant Thornton.
Cette mécanique est pourtant très utilisée par le secteur financier pour exonérer de TVA les services informatiques ou financiers qui sont rendus par leurs filiales. Elle permet aux banques de compenser le fait qu’elles s’acquittent de la TVA auprès de leurs fournisseurs sans pour autant pouvoir la répercuter à leurs clients. « Si le régime actuel devait sauter, notre charge annuelle de TVA pourrait augmenter de près de 13 % par an », alerte un autre directeur fiscal dans une grande banque, qui s’inquiète des conséquences de cette décision européenne dans l’Hexagone. « Quand le juge communautaire prend une décision, elle a un effet direct sur les pratiques des Etats membres, il va falloir trouver une solution pour éviter une aggravation de
la pression fiscale
».
Propice à la fraude
Soucieux de rassurer et de se donner du temps, Bercy fait valoir que les pratiques du secteur financier ne sont, pour le moment, pas hors-la-loi : « l’arrêt de la Cour n’a pas d’effet direct sur les entreprises, pour cela il faut d’abord faire évoluer le droit national. Il n’y a donc pas d’urgence à agir, l’arrêt ne fait pas s’effondrer le régime actuel même s’il est vrai qu’il le fragilise », reconnaît le ministère qui se consacre pour le moment à « une analyse approfondie » des impacts.
Pour s’assurer qu’il n’y aura
aucune surcharge fiscale
, certaines banques plaident pourtant pour l’adoption, dès à présent, d’un nouveau régime. « Le régime dit de “TVA de groupe” nous permettrait d’être considérés comme un seul assujetti fiscal et nous assurerait une exonération de TVA pour tous les services qui sont rendus par nos filiales au sein des groupes bancaires ou assurantiels », fait valoir ce dernier responsable fiscal.
Une option à laquelle Bercy n’est a priori pas favorable. « Nous avons plutôt dans l’idée de modifier le texte européen », fait valoir une source. De fait, le régime dit de « TVA de groupe » est considéré par l’administration fiscale comme particulièrement propice à la fraude puisqu’il ne considère que les déclarations de TVA des groupes consolidés et rend invisibles les flux réalisés au sein des entreprises. Reste donc à faire évoluer le droit européen. Mais en matière fiscale, l’unanimité des Etats membres est de rigueur. Le casse-tête ne fait que commencer…
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