NINON RENAUDLAURENT THÉVENIN
« Laissons l’assurance­vie tranquille ! » A l’approche des élections, Gérard Bekerman, le président
de l’Afer, la première association d’épargnants français avec plus de 720.000 adhérents, donne de
la voix, se posant en garant de l’intérêt des assurés. « L’assurance­vie est un trésor de
1.600 milliards d’euros. Son cadre juridique, social et fiscal peut, par essence, toujours être
menacé », déclare­t­il dans un entretien aux « Echos », à l’occasion des 3 Assises de l’épargne
et de la fiscalité organisées jeudi par l’association. Nicolas Sarkozy et Arnaud Montebourg,
respectivement candidats aux primaires de la droite et de la gauche, y étaient attendus en clôture.
« Laissons l’assurance­vie tranquille ! »
« L’assurance­vie est un trésor de
1.600 milliards d’euros. Son cadre juridique, social et fiscal peut, par essence, toujours être
menacé »,
es
L’Afer ne digère toujours pas les dispositions du projet de loi Sapin II ­ adopté la semaine dernière
en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale ­ touchant directement les épargnants (« Les Echos »
du 27 septembre). En l’état, ce texte donne la possibilité au Haut Conseil de stabilité financière
(HCSF) de restreindre les possibilités de rachats par les épargnants en cas de menace majeure
sur le système financier. La mesure doit, selon ses promoteurs, permettre d’éviter qu’en cas de
remontée brutale et franche des taux d’intérêt, les assurés ne vident leurs contrats pour aller placer
leur épargne sur des placements mieux rémunérés, au risque de mettre en péril certains
opérateurs. « Même si nous comprenons l’intention louable de cette mesure, qui est de protéger les
épargnants, elle repose sur une analyse techniquement infondée. Je n’ai jamais vu en France de
krach obligataire et de faillite de compagnie d’assurance­vie pour cette raison », martèle Gérard
Bekerman. « Avec leur réserve de capitalisation, les compagnies ont par ailleurs déjà à leur
disposition ce qu’il faut pour juguler les conséquences d’une remontée des taux obligataires. A
l’Afer, cet outil nous permet d’absorber 2,8 points de hausse des taux », poursuit­il.
De même, il balaie l’idée d’une possible menace de risque systémique sur le secteur :
« On nous fait croire avec cette loi que tout le monde va avoir la grippe et qu’il faut donc vacciner tout le
monde ! » Alors qu’il dénonce « une intrusion de la puissance publique dans un contrat de droit
privé », il importe, selon lui, de défendre avant tout « la liberté individuelle de pouvoir puiser dans
son assurance­vie en cas de besoin ».
L’Afer s’élève aussi contre l’autre mesure prévue dans le projet de loi Sapin II permettant au HCSF
de moduler les règles de dotation et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices
(PPB ou provision pour participation aux excédents, PPE) afin de peser sur la rémunération des
fonds euros « Pourquoi vouloir plafonner ce que nous pouvons donner à nos adhérents ? »
demande-t-il. « Ma mission est de pouvoir assurer un bon niveau de pouvoir d’achat au fonds
général », résume-t-il.
Pour Gérard Bekerman, ces mesures, si elles devaient un jour être mises en oeuvre, reviendraient
à organiser « un transfert de richesse »: « On enrichit les compagnies, au risque d’appauvrir les
épargnants »,assène­t­il. L’Afer est en train d’étudier si l’article 21 bis de la loi Sapin II qu’elle
pourfend ne pourrait pas faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Pour autant, l’association d’épargnants n’est cependant « pas insensible » aux appels réitérés des
autorités enjoignant les assureurs à renforcer leurs réserves dans le contexte de taux bas actuel.
Elle devrait donc abonder à nouveau sa PPE ­ une poche qu’elle a commencé à doter il y a
seulement deux ans.
Interrogé sur l’évolution du modèle de l’assurance­vie en période de taux bas, Gérard Bekerman
estime qu’« il est temps, compte tenu du contexte, d’intégrer le risque dans le cycle de l’épargne. Il
serait irresponsable de ne pas le faire, car la sécurité [du fonds général, NDLR] rémunère moins
bien. »« Cela peut se faire de deux manières. Ou bien de manière partielle dans le fonds général,
en investissant dans les PME, le private equity ou les actions comme nous le faisons. Ou alors en
allant directement sur les unités de compte », détaille­t­il. Pour ce qui est de la deuxième option
l’Afer, qui a construit son modèle sur le fonds général, ne collecte pour l’instant que 16 % en unités
de compte. « Du fait de la pyramide des âges à l’Afer, où 28 % des adhérents ont plus de 70 ans, il
est très difficile de changer le message qui a donné satisfaction pendant quarante ans », reconnaît
Gérard Bekerman.
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