PASSEPORT EUROPÉEN ET COMPENSATION DES TRANSACTIONS SONT AU COEUR DES DÉBATS.
La City va-t-elle continuer de dominer la finance mondiale après le Brexit ? Le Royaume-Uni n’est en tout cas pas prêt à laisser dépérir un secteur qui contribue à 8 % de son PIB, et même 12 % si l’on y ajoute les activités connexes, notamment comptables et juridiques.« Londres devrait rester le premier centre financier en Europe après le Brexit, car son activité ne se limite pas à l’euro, estime Thierry Philipponnat, directeur de l’Institut Friedland, qui dépend de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France.Toutefois, le mouvement de concentration des activités financières par la City va prendre fin, et on devrait assister à une multipolarisation en Europe. »
Reste à savoir de quelle ampleur. Contrairement à un argument souvent avancé, la perte du passeport, qui permet aux acteurs régulés à Londres d’exercer leurs activités dans l’Union européenen, ne ferme pas forcément toutes les portes. L’industrie de la finance britannique pourrait avoir accès au marché unique européen dans le cadre d’une procédure dite des « pays tiers ». Celle-ci est ouverte aux Etats dont la régulation et les mécanismes de surveillance sont jugés « équivalents » à ceux existant dans l’Union. Or, au lendemain du Brexit, les règles britanniques seront encore les mêmes que celles des Etats membres. Rien n’empêcherait donc les acteurs londoniens de s’en prévaloir, même si les réglementations divergent par la suite. Comme le souligne Robert Ophèle, sous-gouverneur à la Banque de France, dans l’état actuel du droit «rien n’est prévu pour réévaluer l’équivalence dans le temps ».
Localisation des chambres de compensation
Autre question compliquée à démêler : la localisation des chambres de compensation qui traitent les opérations en euros. En cas de grave crise, leur sauvetage nécessiterait une intervention de la Banque centrale européenne (BCE). En 2011, cette dernière avait donc essayé de rapatrier au sein de la zone euro les activités de compensation implantées à Londres, mais la justice européenne lui avait donné tort. Conséquence : en mars 2015, la BCE et la Banque d’Angleterre ont conclu un accord spécifique de fourniture de liquidités aux chambres de compensation. Cet accord pourrait prendre fin après le Brexit.
Qui profiterait alors d’un départ des activités basées à Londres ? Paris et Francfort se positionnent dans la course. Mais c’est peut-être une autre place, en dehors du continent européen, qui héritera d’une partie de la compensation : beaucoup pensent à New York. Car après trois années de négociations, un accord de réciprocité a été conclu au printemps ente les régulateurs européen et américain sur les chambres de compensation. «« Si la BCE n’adopte pas des règles strictes, les acteurs américains pourraient donc, aux termes de cet accord, faire depuis les Etats-Unis la compensation des dérivés libellés en euros, par exemple », avertit Gérard Rameix, président de l’Autorité des marchés financiers.
Une menace évoquée par Xavier Rolet, le patron de la Bourse de Londres, qui s’est exprimé le 2 octobre, dans « The Telegraph ». Pour lui, si la compensation en euro devait être retirée à LCH, cela coûterait des dizaines de milliards de dollars à l’économie.« Un seul autre centre financier pourrait assurer cette activité de façon centralisée et sécurisée [pour les 17 grandes devises],ce n’est ni Paris, ni Francfort, ni Amsterdam, mais New York », a-t-il prévenu.
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