Pour la retraite complémentaire des salariés, l’âge du taux plein ne sera bientôt plus 62 ans et un peu plus de 41 annuités. A partir de 2019, ce sera 63 ans – et quatre trimestres de plus que le compte fixé par la loi. Ainsi en ont décidé les partenaires sociaux vendredi soir, en signant un accord, qualifié d’ « historique » par le Medef, pour sauver l’Agirc et l’Arrco en grande difficulté financière. Un « accord de principe » qui doit encore être affiné pour conclure réellement la négociation, le 30 octobre.
Cet accord a « sauvé le paritarisme », bien mal en point ces derniers mois, s’est félicité le négociateur de CFE-CGC, Serge Lavagna. Sans signature, les retraites des cadres auraient été amputées de 10 % dès 2018. Ce qui aurait certainement forcé le gouvernement à reprendre en main le pilotage du régime obligatoire. L’exécutif, qui craignait qu’un échec de la négociation vendredi ne ternisse sa grande conférence sociale ce lundi, n’a pas ménagé ses efforts pour convaincre le patronat d’arrondir les angles, puis la CFTC de conclure. Confronté à l’obstination du patron des patrons, Pierre Gattaz, qui ne voulait pas lâcher un sou de cotisations supplémentaires au nom de la compétitivité des entreprises, le gouvernement a même promis de compenser intégralement l’effort des employeurs en diminuant leur cotisation à la branche accidents du travail de la Sécurité sociale.
Le futur « coefficient de solidarité » frappera d’une décote de 10 % pendant deux ou trois ans les retraites complémentaires des salariés qui partent alors qu’ils n’ont que l’âge du taux plein au régime général. Et cela même si, ayant mis plus de temps que d’autres à cumuler suffisamment d’annuités, le taux plein signifie pour eux 64 ans ou plus, 67 ans maximum.
Les trois syndicats signataires, la CFDT, la CGC et la CFTC, ont dû se résoudre à faire 6,1 milliards d’euros d’économies d’ici à 2020 pour redresser l’Agirc et l’Arrco. Mais la concession la plus douloureuse pour eux, c’est ce « coefficient » qui rapportera seulement 500 millions d’euros. Ils reconnaissent implicitement qu’il va falloir travailler plus longtemps pour équilibrer le système de retraite, structurellement déficitaire.
« Pilotage stratégique »
Le patronat en avait fait une condition pour signer. Claude Tendil, le négociateur du Medef, n’a donc pas caché sa satisfaction vendredi soir : « Les partenaires sociaux admettent pour la première fois qu’ils peuvent agir sur les comportements des futurs retraités. Nous allons enfin pouvoir mettre en oeuvre un véritable pilotage stratégique de l’Agirc-Arrco. » L’idée est de regarder comment évolue le dispositif d’ici à 2021. Si un nombre suffisant de salariés décide de partir plus tard, on supprimera la troisième année de malus. Cette approche est cohérente avec le voeu de la CFDT, qui réclame depuis longtemps la mise en place d’une dose de pilotage « automatique » de l’équilibre des régimes complémentaires, afin d’anticiper au lieu de prendre des décisions sous pression.
Pour Force ouvrière, gestionnaire historique de l’Arrco, c’est la mesure de trop. « La porte a été ouverte pour que l’âge légal passe à 63 ans », a déploré Philippe Pihet, le négociateur FO, qui a claqué la porte avec la CGT après avoir pris connaissance du dernier projet patronal vendredi après-midi.
Tous les syndicats s’étaient pourtant entendus dès février pour refuser qu’on force les salariés à partir plus tard. D’abord parce que la moitié de ceux qui liquident leurs droits ne sont plus salariés, mais au chômage. Ils ne choisissent donc pas leur âge de départ. « Pour eux, les abattements, c’est la double peine », a dénoncé Eric Aubin, le négociateur CGT. Ensuite, parce que la décision de repousser l’âge de départ relève du régime général et donc de la loi. Tous les candidats de droite pour l’élection présidentielle ont déjà dit qu’ils entendaient reculer l’âge légal entre 63 et 65 ans : à eux de vendre leur réforme. Pour les syndicats, l’Agirc-Arrco ne doit pas être le poisson pilote du régime général. Ce n’est pas le point de vue de Claude Tendil, pour qui les partenaires sociaux n’ont « pas intérêt à être à la remorque du régime général ».
A la CFDT, le négociateur Jean-Louis Malys explique au contraire que « le patronat voulait modifier le comportement des salariés, ce ne sera pas le cas », puisque le projet initial, avec des abattements très dissuasifs, a été revu à la baisse : l’impact sur la retraite totale ne sera que de 2 % à 6 % par mois, et ne durera pas toute la vie. De plus, les 30 % de retraités les plus modestes ne seront pas touchés. Les salariés ont donc encore le choix, a jugé la CFDT.
Reste un point faible, la propension des entreprises à se débarrasser de leurs salariés quinquagénaires. Un point que le syndicat promet de mettre à l’agenda de la prochaine négociation Unédic, prévue en 2016.