C’est un pavé dans la mare de l’assurance-chômage. Dans une étude publiée mercredi, les économistes du Conseil d’analyse économique (CAE), Pierre Cahuc et Corinne Prost, estiment que la multiplication des contrats courts en France est largement due au mécanisme d’indemnisation des chômeurs. Et, afin de remédier à ce problème, ils proposent de moduler les cotisations à l’assurance-chômage des entreprises en fonction de l’utilisation que chacune d’elles fait des contrats courts, prenant ainsi à leur charge le coût qu’elles font peser sur l’Unédic, le gestionnaire de l’assurance-chômage. Une telle solution, refusée par le patronat, créerait des perdants et des gagnants. Les entreprises qui utilisent le plus des contrats à durée déterminée (CDD) seraient pénalisées.

Si la proportion de CDD et d’intérim dans le nombre d’emplois total est stable en France depuis 2000 (environ 12 %), la durée moyenne des contrats ne cesse, elle, de diminuer. Ainsi, depuis 2000, le nombre de CDD de moins d’un mois a grimpé de 146 % alors que ceux de plus d’un mois ont stagné.

Pourquoi cette envolée ? « Les règles de l’assurance-chômage ont fortement contribué à cette augmentation », estime Corinne Prost. Explication : un travailleur peut être indemnisé en partie par l’Unédic en cas d’activité réduite. Dans ce cas, un allocataire qui travaille quinze jours dans le mois touche un salaire et un complément de l’assurance-chômage basé sur le salaire de référence. Mais ce salaire de référence est calculé en divisant la somme des salaires perçus par le nombre de jours couverts par le contrat de travail, et non par le nombre de jours dans le mois. Ainsi, travailler un jour sur deux dans le mois induit un salaire journalier deux fois plus élevé que de travailler tous les jours à mi-temps, en tout cas pour l’Unédic. L’allocation est alors deux fois plus élevée. Il est donc plus intéressant pour le salarié d’opter pour la première solution. Sauf qu’il est beaucoup plus difficile pour eux d’accéder au crédit, au logement et à la formation professionnelle, et qu’ils s’enferment dans cette situation.

Les secteurs comme l’hôtellerie, les services portuaires ou le commerce, qui utilisent ce système, y trouvent aussi leur intérêt puisqu’ils peuvent choisir les jours travaillés dans le mois alors que le complément de salaire est pris en charge par l’Unédic. Ce qui revient à subventionner certains secteurs par d’autres, structurellement moins utilisateurs de CDD.

 

2 milliards d’euros à économiser

Pour les deux économistes, 760.000 personnes environ alternent emploi et chômage indemnisé depuis cinq ans, ce qui coûte de l’ordre de 4,8 milliards d’euros par an à l’assurance-chômage. D’où les recommandations : changer le calcul du salaire de référence et le baser sur le revenu mensuel moyen et non sur le salaire moyen journalier du contrat. Et moduler les cotisations des employeurs à l’assurance-chômage en fonction du coût induit par l’entreprise pour l’assurance-chômage selon le principe du pollueur-payeur. Plus une entreprise utilise des CDD courts, plus ses cotisations monteraient. De quoi faire économiser 2 milliards à l’Unédic. Alors que les partenaires sociaux doivent renégocier la convention Unédic cet hiver, voilà une piste intéressante. 

G. C., Les Echos