Cette année, Berkshire Hathaway fête ses cinquante ans et les marchés n’ont pas fait de cadeaux à son inamovible patron, Warren Buffett. Depuis le 1er janvier, l’action du groupe d’investissement a perdu 11,3 % de sa valeur. Elle a fait beaucoup moins bien que l’indice S&P 500, qui ne perd que 1,25 %. Et cela devient une mauvaise habitude.
En 2013 déjà, et pour la première fois depuis la reprise de cette ancienne société de textile en 1965, celui qu’on surnomme « l’Oracle d’Omaha » (le siège social de son conglomérat dans le Nebraska) n’était pas parvenu à battre l’indice S&P 500. Sur les cinq dernières années, la valeur comptable de l’action Berkshire Hathaway avait en effet progressé moins vite que Wall Street. S’il est encore un peu tôt pour juger de la performance globale des investissements de Warren Buffett cette année, on peut déjà constater que ses principaux investissements au 16 octobre 2015 dans quelques-uns des fleurons de l’économie américaine sont en train de virer au désastre. Ainsi l’action American Express, dont il est le premier actionnaire, plonge de 17 % depuis le début de l’année. US Bancorp et IBM font aussi moins bien que le marché.
5e plus grosse capitalisation mondiale
Mais Warren Buffett vient surtout de subir un nouveau camouflet, avec la chute de 10 % de l’action Walmart mercredi. Le groupe américain a en effet revu en baisse ses prévisions et la valeur de l’entreprise a chuté de plus de 21 milliards de dollars en une journée. Pour Berkshire Hathaway, qui ne détient « que 2,11 % » de Walmart, la sanction financière est moins sévère à avaler (450 millions de dollars) que pour la famille Walton (qui a perdu 11 milliards en une journée), mais elle renvoie surtout le financier star américain à un autre accident : celui de Tesco. Le groupe de distribution britannique a perdu 43 % de sa valeur l’an dernier après avoir reconnu notamment une surévaluation de ses résultats. Bilan : une moins-value de 444 millions de dollars pour Berkshire… D’autres lui reprochent d’avoir investi dans les valeurs énergétiques lorsqu’elles étaient pratiquement au plus haut.
A chaque fois, Warren Buffett reconnaît ses erreurs et s’excuse auprès des actionnaires de Berkshire Hathaway, notamment lorsqu’il a regretté d’avoir trop « lambiné » en ne cédant pas tout de suite ses actions Tesco. Des actionnaires qui lui pardonnent beaucoup, à voir la ferveur qui les anime lors des assemblées générales du groupe. Ce n’est pas le cas d’autres stars de la finance comme Carl Icahn ou Bill Ackman, qui ont ouvertement critiqué sa stratégie. Mais Buffett, soutien d’Hillary Clinton à la présidentielle américaine, ne les ménage pas non plus, comme le prouvent les piques contre ces activistes vendredi. Des financiers qu’il perçoit comme « des requins qui ont toujours besoin de nager […] et qui investissent de façon futile dans les entreprises comme d’autres changeraient de femme ». Ce charmeur de quatre-vingt-quatre ans n’a pas oublié ce jour, qu’il s’adressait à un public très féminin lors du sommet des femmes les plus puissantes organisé par « Fortune » à Washington.
Quoi qu’il en soit, il est trop tôt pour songer à déboulonner la statue du commandeur Buffett, alors que son entreprise est passée en huit ans de la 25e à la 5e plus grosse capitalisation mondiale, à 329 milliards de dollars. D’autant que la performance future de Berkshire Hathaway, conglomérat géant de 80 sociétés dans l’énergie, l’assurance (Geico), le ferroviaire, la mode (Fruit of the Loom), les médias, l’agroalimentaire (Heinz, Dairy Queen…), les batteries (Duracell) ou l’aviation (Netjets, Precision Castparts), ne saurait se mesurer uniquement à l’aune de ses participations dans Coca-Cola ou Walmart. Elle se reflète en revanche déjà dans la fortune de son fondateur. Elle a fondu de 11 milliards cette année. Warren Buffett demeure malgré tout la troisième fortune mondiale, selon Bloomberg, fortune qu’il s’est engagé à reverser à 80 % à des oeuvres caritatives.