Un échec était difficilement envisageable. Avec un total de bilan de près de 520 milliards d’euros, équivalent à la taille du système bancaire grec, la faillite de Dexia risquerait d’entraîner dans son sillage une bonne partie de ses pairs européens.

Après cinq jours d’âpres négociations et le report d’une journée du conseil d’administration de la banque franco-belge qui devait entériner le schéma détaillé de son démantèlement, les gouvernements français, belge et luxembourgeois ont donc finalement trouvé un accord hier. A la suite d’une ultime réunion en fin de matinée à Bruxelles entre le Premier ministre français, François Fillon, son homologue belge, Yves Leterme, et une délégation luxembourgeoise comprenant le ministre des Finances, Luc Frieden, les trois Etats ont réaffirmé « leur solidarité dans la recherche d’une solution qui assure l’avenir de Dexia. Ils apportent leur plein soutien aux propositions du management du groupe bancaire ». Il restait une dernière étape à franchir : les dix-huit membres du conseil d’administration de Dexia devaient donner leur feu vert dans la nuit à ces propositions qui scelleront le sort de la banque. Un premier schéma avait été arrêté lundi soir : cession des actifs de Dexia faciles à détricoter d’un côté, et de l’autre le cantonnement dans une « banque résiduelle » garantie par les Etats du portefeuille obligataire de 95 milliards d’euros hérité de la crise et d’actifs et des actifs difficiles à vendre. Encore fallait-il s’accorder sur les modalités de ce plan.

Partage du fardeau

L’avenir de Dexia Banque Belgique (DBB) et le partage du fardeau de la structure de défaisance ont cristallisé les tensions. Les sujets sont liés puisque la façon dont le curseur est fixé pour valoriser DBB, estimée entre trois et 7,5 milliards d’euros, influe directement sur l’effort financier que les différents actionnaires seront prêts à assumer pour garantir la « bad bank ». L’Etat belge s’était accordé vendredi avec la Flandre, la Wallonie et Bruxelles sur une nationalisation de Dexia Banque Belgique, dernier fleuron bancaire du pays. Une vente n’est pas exclue mais il s’agit dans l’immédiat de rassurer l’opinion publique et de protéger les intérêts des régions désireuses de garder une minorité de blocage dans DBB. Selon « L’Echo », l’Etat belge rachèterait la banque pour 4 milliards d’euros. Cette valorisation dans le bas de la fourchette permettrait à la Belgique de maîtriser son endettement alors que sa note a été mise vendredi sous surveillance négative par l’agence Moody’s. En échange de ce prix, la Belgique aurait accepté d’assumer 60 % de la garantie de la structure de défaisance, contre 36,5 % pour la France et 3,5 % pour le Luxembourg. En 2008, l’Etat belge avait assumé 60,5 % de la garantie à hauteur de 150 milliards d’euros d’émissions de Dexia, contre 36.5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg. Cette fois le montant total est inférieur à 100 milliards d’euros mais Paris souhaitait maintenir cette répartition pour sauvegarder son triple A. D’autant que le gouvernement français devra aussi assumer une partie des 10 milliards d’euros de pertes potentielles estimées du stock de plus de 70 milliards d’euros de prêts aux collectivités locales françaises. La Caisse des Dépôts (CDC) doit prendre 70 % de DexMa, le véhicule de refinancement qui serait valorisé autour de 700 millions d’euros et qui abrite ce stock. La CDC freinerait toutefois à fournir cet effort.

Les administrateurs jouaient toujours hier soir les funambules entre les intérêts divergents des parties.

NINON RENAUD