Les deux nouveaux hommes forts de Groupama étaient déjà à pied d’oeuvre hier au lendemain de l’éviction brutale par le conseil d’administration de Jean Azéma, celui qui a dirigé la maison depuis juin 2000. Thierry Martel, son successeur à la tête du sixième assureur français, et Christian Collin, promu directeur général délégué, ont enchaîné les réunions. Le tandem mis en place par les présidents des caisses régionales sait qu’il n’a pas une minute à perdre, Groupama étant dans une situation critique en ce moment.
Si le choix d’un tel attelage peut surprendre, Thierry Martel, l’ancien patron des activités en France, tout comme Christian Collin, jusqu’ici directeur financier, présentent l’avantage de connaître parfaitement cette maison, dont ils sont des piliers, et d’avoir des profils complémentaires. Envoyés au feu, ils devraient tout faire pour préserver la marge de solvabilité du groupe lors de l’arrêté des comptes 2011. Tour d’horizon des grands défis qui les attendent.
Protéger la marge de solvabilité
Lapidaire, le communiqué de presse qui a annoncé leur nomination et la révocation de Jean Azéma, a fixé le cap : « La priorité de la nouvelle équipe dirigeante sera de mettre en oeuvre les mesures destinées à renforcer la solvabilité du groupe tout en poursuivant l’amélioration de la rentabilité opérationnelle. » A fin août, la marge de solvabilité était encore de 130 % (117 % en prenant les seuls fonds propres durs). Soit bien en deçà des niveaux auxquels Groupama était habitué jusqu’ici.
Il y a un mois, Standard & Poor’s puis Fitch avaient abaissé leurs notes au vu du niveau des fonds propres jugé insuffisant. Jean Azéma leur avait donné des gages en présentant des mesures énergiques : achat de protection contre une baisse trop forte du CAC 40, traités de réassurance sur les provisions, économies de 300 millions d’euros sur les deux prochaines années et de 400 millions en 2014 avec une réduction tous azimuts des frais généraux. C’est ce plan que devraient mettre en musique Thierry Martel et Christian Collin.
Réduire une exposition en actions excessive
Groupama traîne comme un boulet une exposition aux marchés actions plus élevée que la moyenne des assureurs (15 % de ses actifs). Plus handicapant encore, son portefeuille est très concentré. Selon nos informations, les huit lignes les plus importantes pèseraient à elles seules un tiers de l’engagement en actions du groupe. Groupama détient notamment de fortes participations dans Société Générale et Veolia Environnement, mais aussi dans Saint-Gobain, la banque hongroise OTP Bank ou encore la banque d’affaires italienne Mediobanca.
Vu l’état des marchés depuis plusieurs mois, il pourrait passer des provisions pour dépréciation durable dans ses comptes annuels. L’idéal pour lui serait donc d’arriver à se délester d’une partie de son portefeuille assez rapidement… sauf que l’environnement de marché actuel ne s’y prête guère. Le sujet est d’autant plus important que le futur cadre prudentiel de Solvabilité II pénalisera lourdement la détention d’actions.
Le poids du risque souverain
Groupama devrait encore passer une nouvelle dépréciation sur ses titres d’Etat grecs, vraisemblablement de 50 %. Il avait déjà appliqué une décote de 21 % dans ses comptes du premier semestre. D’où un impact de 88 millions d’euros sur ses résultats. Autre sujet d’inquiétude, son exposition totale aux dettes des PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne), qui s’élevait au 30 juin à 13 milliards d’euros en juste valeur brute et à 3 milliards d’euros en juste valeur nette.
Vers des cessions d’actifs ?
La question est sur toutes les lèvres. Cela pourrait être une solution à court terme pour redresser la marge de solvabilité, estiment certains observateurs. Et les spéculations vont bon train sur les actifs que l’assureur pourrait se résoudre à mettre en vente : GAN Eurocourtage, souvent présenté comme l’un des joyaux du groupe, sa participation dans la foncière Silic, éventuellement ses filiales étrangères les plus solides.
Il n’est pas exclu que le groupe prenne des mesures fortes rapidement.