I casi di malattie polmonari verificatisi quest’estate negli Stati Uniti hanno causato confusione sulla tossicità comparativa della sigaretta elettronica e della sigaretta tradizionale. Con grande dispiacere della comunità medica, per la quale il vero assassino è il tabacco fumato.
Yann Verdo @verdoyann
Devant l’ampleur de l’hystérie collective suscitée par la mystérieuse épidémie, les Centers for Disease Control (CDC) américains n’ont eu d’autre choix que de mettre en une de leur page d’accueil un dossier spécial « cigarette électronique ». Alors que, mercredi 18 septembre, les autorités canadiennes ont annoncé un premier cas d’hospitalisation d’une personne souffrant d’une maladie pulmonaire attribuée au vapotage, aux Etats-Unis mêmes, les derniers chiffres disponibles font état de 380 cas de patients hospitalisés pour des atteintes pulmonaires aussi sévères que brutales. Depuis le premier décès, qui a eu lieu dans l’Illinois et a été rendu public le 23 août, cinq autres morts ont été enregistrées dans divers Etats du pays. « Nous ne connaissons pas encore la cause spécifique de ces maladies », avertissent les CDC, dont la méticuleuse enquête se poursuit. Le 6 septembre, une des responsables de cette enquête, Dana Meaney-Delman, s’adressait au public américain en ces termes : « Désormais, nous recommandons, au moins tant que dureront nos investigations, d’éviter la cigarette électronique… » Pour des millions de vapoteurs à travers le monde, cette affaire très médiatisée est d’autant plus troublante qu’elle a été précédée, le 26 juillet, par la publication d’un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le tabagisme, dans lequel les cigarettes électroniques y étaient épinglées comme « incontestablement nocives ». Les faits survenus quelques semaines plus tard aux Etats-Unis ne donnent-ils pas raison à l’OMS ? « En réalité, rien ne serait plus faux que cette conclusion hâtive ! s’insurge le professeur de santé publique et membre de l’Académie de médecine Gérard Dubois. La position de l’OMS est aussi infondée que regrettable. Quant à l’épidémie nord-américaine, elle résulte d’un détournement de la cigarette électronique et non de son usage normal. Le drame de cette malheureuse séquence d’événements, c’est qu’elle sème la confusion et instille le doute là où il ne devrait pas exister. Tout cela va dissuader certains fumeurs de passer à la cigarette électronique, en pousser d’autres à retourner au tabac fumé. Et il en résultera, in fine, non pas quelques décès, mais des milliers ! » Auteur en 2015 d’un rapport de l’Académie de médecine aux conclusions très favorables à la cigarette électronique, présentée comme un excellent produit de substitution au tabac fumé, Gérard Dubois n’a pas manqué de faire publiquement remarquer, lorsque le premier cas de décès a fait la une des journaux américains fin août, que, ce même jour, la « vraie » cigarette avait tué 1.500 personnes aux Etats-Unis, et 20.000 dans le monde… Usage détourné Même si les CDC n’ont pas encore rendu leurs conclusions sur la cause exacte de ces quelques centaines de cas de syndrome respiratoire sévère aigu, il ne semble plus faire de doute qu’elle soit en rapport avec le tétrahydrocannabinol ou THC, le principe actif du cannabis, à l’origine de ses propriétés psychoactives. Revue de référence en matière de santé, le « New England Journal of Medicine » a publié, début septembre, un rapport préliminaire sur les atteintes pulmonaires constatées outre-Atlantique. Il y était dit que 84 % des malades avaient déclaré avoir utilisé leur cigarette électronique pour inhaler, non pas de la nicotine comme le fait la majorité des vapoteurs, mais du THC. Cette forte proportion pointe d’autant plus probablement vers le réel coupable que le THC est ajouté au « jus » des cigarettes électroniques sous forme d’huile. Or, les examens radiologiques ont montré que les lésions pulmonaires dont souffraient les malades étaient bien celles que l’on constate habituellement lorsqu’une huile pénètre dans les poumons, où elle n’a rien à y faire. Pour le professeur de santé publique à
l’université de Genève Antoine Flahault, entièrement d’accord avec son collègue Gérard Dubois pour dire que l’on intente un faux procès à la cigarette électronique, « le problème serait moins lié à la substance elle-même (qu’il s’agisse du THC ou d’une autre) qu’à sa forme galénique ». On parle de la forme galénique d’un médicament pour désigner la forme sous laquelle il se présente et est administré : cachet, granule, pastille, gélule, crème, collyre, goutte, sirop… Le même éventail de formes galéniques différentes existe pour le cannabis, qui peut être fumé (joint), mangé (« space cake », « beurre de Marrakech »), etc. La même huile de cannabis, qui n’a que des effets psychoactifs si elle est ingérée et digérée, peut en avoir d’autres, et potentiellement dramatiques, si, inhalée, elle se retrouve dans les poumons du vapoteur… Pour ces médecins, il est évident que la meilleure cigarette, qu’elle soit électronique ou non, est « celle qu’on ne fume pas ». Mais il n’en reste pas moins, comme Gérard Dubois l’écrivait déjà dans son rapport de 2015 (et auquel, dit-il, il ne changerait « pas une virgule aujourd’hui », même à la lumière des événements récents), que « la toxicité à long terme de la cigarette électronique est à l’évidence infiniment moindre que celle de la cigarette traditionnelle ». Et ce, pour une raison toute simple, qui ne souffre pas discussion dans la communauté médicale : les deux « tueurs de masse » de la cigarette traditionnelle, à savoir le goudron, qui est à l’origine des cancers du poumon, et le monoxyde de carbone, qui dégrade les artères et provoque les infarctus du myocarde, résultant tous deux de la combustion, sont absents de la vapeur inhalée avec une cigarette électronique, dans laquelle il n’y a pas de combustion mais chauffage et vaporisation. La toxicité des cigarettes électroniques n’est pas nulle, ne serait-ce que parce que, comme le révélait un rapport de l’Académie
Pour le corps médical, l’épidémie de maladies pulmonaires survenue aux Etats-Unis relève d’un détournement de l’usage de la cigarette électronique. Photo George Etheredge/NYT-RÉA Faits et chiffres
l La cigarette électronique utilisée aujourd’hui et dite « de deuxième génération », exploitant la technologie de vaporisation par résistance chauffante, a été inventée et brevetée en 2009 par un médecin chinois, David Yunqiang Xiu. l En Europe, où la cigarette électronique est interdite de vente aux moins de 18 ans, une directive fixe une limite à la quantité de nicotine présente dans les liquides et prohibe certains additifs. l Selon Santé publique France, 3,8 % des Français utilisaient quotidiennement la cigarette électronique en 2018. Altria (Philip Morris, Marlboro…), qui a annoncé son intention de se désengager totalement, à terme, du marché du tabac fumé, a déboursé 13 milliards de dollars en décembre 2018 pour acquérir 35 % du californien Juul, leader du marché de la cigarette électronique aux Etats-Unis. l Le tabac fumé tue un fumeur sur deux.
américaine des sciences en 2018, la vapeur inhalée fait entrer dans les poumons un certain nombre de particules fines, dont des métaux (nickel, plomb…) venant probablement de la bobine utilisée pour chauffer le liquide. Mais, en l’absence de combustion et, donc, de goudron et de monoxyde de carbone, c’est un moindre mal bien bénin.
Rappelons que les deux constituants de base des liquides, le propylène glycol et le glycérol, sont tous deux non toxiques (si ce n’était pas le cas, le propylène glycol, par exemple, ne serait pas utilisé depuis des décennies par l’industrie du spectacle pour produire cette fumée blanche dont on inonde parfois la scène et les spectateurs des premières rangées !). Que certains vapoteurs imprudents aient pu, en Amérique du Nord, profiter du laxisme réglementaire prévalant de l’autre côté de l’Atlantique pour faire leur « tambouille artisanale » à base de THC et d’autres huiles utilisées pour diluer celui-ci (une huile de vitamine E, notamment, semble être en cause) est une chose. Qu’on monte en épingle ce problème de sécurité sanitaire pour jeter l’opprobre sur un produit de substitution au tabac fumé jugé, par toutes les études sérieuses, extrêmement efficace, en est une autre. Ne nous trompons pas d’ennemi !
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