In un contesto di tassi di interesse negativi, Generali France ha deciso di inviare un messaggio forte agli investitori. “Siamo entrati in un territorio sconosciuto e ci stiamo preparando a continuare. Crediamo più che mai nell’assicurazione vita, ma data questa situazione senza precedenti, dobbiamo rivedere il modello di risparmio. Il modello di sicurezza assoluta, di liquidità permanente, di garanzia totale e in ogni momento del capitale, che è in definitiva una replica del modello del Livret A, è senza fiato. Il mondo dei fondi in euro è finito!”, dice l’ad Jean-Laurent Granier in un’intervista all’Echos.
Laurent Thévenin @laurentthevenin et Thibaut Madelin @ThibautMadelin
Generali France jette un pavé dans la mare. Dans un contexte de taux d’intérêt négatifs, l’assureur a décidé d’envoyer un message fort aux épargnants. « On est entré en terrain inconnu et on se prépare à ce que cela dure. Nous croyons plus que jamais à l’assurance-vie mais compte tenu de cette situation sans précédent, il faut revisiter le modèle d’épargne. Le modèle de la sécurité absolue, de la liquidité permanente, de la garantie totale et à tout instant du capital, qui est finalement une réplication du modèle du Livret A, est à bout de souffle. Le monde du fonds euros roi est terminé ! », assène Jean-Laurent Granier, son PDG, dans un entretien aux « Echos ». La sortie de cet acteur majeur (près de 2 millions de clients en assurance-vie, 50 milliards d’euros d’encours sur ses fonds euros) pourrait donner le « la ». Selon Generali France, tout le monde pourrait y trouver son compte. « Nous voulons protéger l’épargne accumulée de nos assurés dans la sérénité et sur la durée. Le fait de constituer un matelas de sécurité en renforçant la provision pour participation aux excédents [une réserve qui permet de lisser les performances dans le temps, NDLR] est un élément essentiel », fait valoir le dirigeant. Cap sur l’eurocroissance « Une stratégie patrimoniale, cela se construit avec du conseil et non un produit miracle. Pour tous les flux nouveaux, il faut installer un modèle qui permette de jouer à fond toute la diversification possible des supports éligibles à l’assurance-vie. De ce point de vue, nous donnerons toute sa place à l’eurocroissance », ajoute Hugues Aubry, membre du comité exécutif, en charge du marché de l’épargne et de la gestion de patrimoine. Selon Generali France, les épargnants auraient ainsi tout intérêt à se diriger vers ce produit à mi-chemin entre les fonds euros et les unités de compte (des supports censés être plus rémunérateurs mais qui n’offrent pas la même sécurité).
L’eurocroissance permet ainsi de donner une garantie seulement à un certain horizon et de ne protéger le capital que sur 80 ou 90 %. Pour faire cette bascule, l’assureur est décidé à employer les grands moyens. Il va d’une part baisser « très significativement » le rendement servi par ses fonds euros. « Jusqu’à présent, le marché baissait par des petites marches de 10 ou 20 points de base. Nous irons bien au-delà. C’est une question de responsabilité et de pédagogie vis-à-vis de nos clients. Les points de repère ont radicalement changé », annonce Hugues Aubry. Generali France avait servi l’année dernière en moyenne entre 1,80 % et 1,90 % sur ses contrats, dans la moyenne du marché (1,83 %, selon les données de l’ACPR, le régulateur du secteur). « Nous ne voulons pas donner l’illusion qu’il serait encore possible de servir un rendement à 1,50 % pour un contrat en fonds euros alors que le taux sans risque est négatif », insiste Jean-Laurent Granier, sans dire jusqu’où l’assureur pourrait descendre. La filiale française du groupe italien a déjà pris d’autres mesures pour juguler la collecte en euros. Il
va fermer cette année deux de ses fonds euros (France 2 et Euro Innovalia) qui totalisent plusieurs milliards d’euros d’encours. Autrement dit, ces fonds ne seront plus commercialisés. Generali France va aussi poser des barrières à l’entrée sur le fonds euros. « Pour tirer pleinement les conséquences de ce contexte de taux, il faut être majoritairement en unités de compte sur la collecte et minoritairement en fonds euros », affirme Hugues Aubry. Sur les nouveaux flux, l’assureur veut ainsi mettre une contrainte de 60 % d’investissements en unités de compte. Il réfléchit aussi à rétablir en 2020 des frais d’entrée sur les fonds euros.
Pour le groupe italien, céder un portefeuille n’est « pas un tabou »
En tirant la sonnette sur les contrats d’assurance-vie en euros en France, Generali confirme son rôle de poil à gratter du secteur en Europe. L’année dernière, le groupe italien avait secoué le marché allemand, en annonçant la cession de sa principale filiale d’assurance-vie outre-Rhin, Generali Leben, à Viridium, un spécialiste de la gestion de portefeuilles d’assurance. A la clef, le transfert de près de 4 millions de contrats représentant un encours de 37 milliards d’euros transférés à un acteur contrôlé par le fonds d’investissement Cinven et le réassureur allemand Hannover Re. La transaction, chiffrée à 1,9 milliard d’euros au total, avait créé un précédent mais n’avait pas fait de scandale, alors qu’Ergo, la filiale du réassureur Munich Re, avait dû renoncer à un projet similaire. La cession s’imposait dans un contexte allemand très particulier. Outre-Rhin, les assureursvie ont longtemps offert un taux de rendement garanti dès l’entrée et pour la durée de vie du contrat. S’il s’élève à 0,9 % actuellement, ce taux avait atteint jusqu’à 4 % en 1994. Un fardeau de plus en plus lourd depuis que les taux des obligations d’Etat allemandes sont passés en territoire négatif, en 2016. « Les taux d’intérêt vont rester bas plus longtemps que prévu initialement, mettant sous pression la croissance, les profits et les ratios de capital des assureurs-vie » allemands, a déclaré mardi Moody’s, plaçant le secteur sous perspective négative. Generali ne s’interdit pas d’appliquer en France sa recette allemande. « Il n’y a pas de tabou dans le groupe, déclare Jean-Laurent Granier, le patron de Generali France. Mais ce n’est ni cen
tral ni indispensable dans notre approche. » Théoriquement, le groupe italien pourrait mettre un petit fonds en « run-off », c’est-à-dire le fermer à la commercialisation et le gérer en extinction, puis le vendre. Après l’Allemagne, il a d’ailleurs procédé à la même opération au Royaume-Uni, où il a annoncé en mai dernier la cession d’un portefeuille en « run-off » au réassureur américain Reinsurance Group of America. Constitué principalement de produits de rente, ce stock de contrats totalisait environ 680 millions d’euros d’engagements (en « meilleure estimation ») à fin 2018. —T. M. et L. T.
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