Il gruppo mutualista Covéa, proprietario di MMA, MAAF e GMF ha inviato a SCOR una proposta amichevole di acquisto a fine agosto, ma questo progetto è stato rigettato dal riassicuratore francese. Covéa, che è primo azionista di SCOR con poco più dell’8% del capitale, aveva offerto 43 euro per azione, che valorizzava SCOR a oltre 8 mld di euro. SCOR ha ritenuto l’offerta “non richiesta” e incompatibile con la sua strategia di indipendenza.
Etienne GoetzLaurent Thévenin
Le groupe mutualiste, propriétaire de MMA, de MAAF et de GMF, a adressé fin août à SCOR une proposition de rachat. Mais ce projet a été rejeté par le réassureur présidé par Denis Kessler.
Coup de tonnerre dans l’assurance française. Covéa, le groupe mutualiste rassemblant la GMF, MAAF et MMA, a indiqué mardi avoir formulé fin août une offre « amicale » de rachat sur SCOR, à laquelle ce dernier a opposé une fin de non-recevoir. Premier actionnaire du réassureur français avec un peu plus de 8 % du capital, Covéa a proposé un rapprochement via une offre publique en numéraire au prix de 43 euros par action, ce qui valoriserait la société à plus de 8 milliards d’euros. A la suite de cette annonce, le titre a terminé la séance sur un bond de 9,53 %, à 38,83 euros, au plus haut depuis 2002. SCOR explique que son conseil d’administration, réuni le 30 août, a jugé que cette offre « non sollicitée » « était fondamentalement incompatible avec [sa] stratégie d’indépendance, qui est un facteur clef de son développement, qu’elle remettrait en cause son projet industriel fortement créateur de valeur ».
Selon le quatrième réassureur mondial, cette offre « ne reflète ni la valeur intrinsèque de SCOR ni sa valeur stratégique ». Le prix proposé représentait une prime d’environ 30 % par rapport au cours de Bourse de SCOR sur les trois derniers mois. « Toutefois, puisqu’elle ne valorise le groupe qu’à un peu plus de 12 fois les bénéfices attendus pour 2019 et 2020, nous pensons que les investisseurs devraient patiemment attendre une meilleure valorisation », expliquent les analystes de Jefferies dans une note citée par Reuters.
Un groupe de 30 milliards d’euros
Covéa, qui a pris acte du refus du conseil d’administration de SCOR d’engager des discussions, a retiré son projet d’offre. Mais le poids lourd de l’assurance dommages en France réitère son « intérêt pour une opération amicale avec SCOR ». Si elle devait se faire, une telle acquisition le ferait changer de physionomie. Sur la base des chiffres 2017, elle en ferait émerger un groupe d’assurance et de réassurance très diversifié pesant environ 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Encore très franco-français, avec à peine 10 % de son chiffre d’affaires réalisé à l’international, Covéa deviendrait aussi un groupe de dimension mondiale. Ce modèle ne serait pas sans rappeler celui du groupe d’assurance allemand Talanx, propriétaire d’Hannover Re, le troisième réassureur mondial.
« On s’aperçoit que la frontière historique entre réassureurs et assureurs a tendance à s’émousser », a souligné Marc-Philippe Juilliard, directeur chez S&P Global Ratings, mardi, lors d’une conférence de presse. « Pour un assureur primaire, il peut y avoir un intérêt à avoir sous le même toit les deux activités pour se positionner sur différents maillons de la chaîne de valeur », explique-t-il. Cette année, le géant américain de l’assurance AIG a ainsi annoncé l’acquisition de Validus, très actif dans la réassurance. AXA a fait de même en mars avec le rachat d’XL Group, un groupe à la fois spécialisé dans les risques d’entreprise et dans la réassurance.
Le précédent Sompo
La pression est maintenant sur SCOR. « Les investisseurs vont avant tout retenir qu’il y a eu une offre et que SCOR est opéable », estime un analyste. En 2015, le réassureur avait déjà eu à faire face à l’entrée à son capital du groupe d’assurances japonais Sompo, qui avait pris une participation de 7,8 % avec l’objectif de grimper ensuite à 15 %. Cette arrivée avait fait perdre au français deux grands clients japonais. Son PDG, Denis Kessler, s’était démené pour décourager Sompo, qui a fini par abandonner ses projets. En avril 2016, Covéa avait racheté des titres à l’assureur nippon pour monter au capital et devenir le premier actionnaire du réassureur.
A l’époque, le groupe dirigé par Thierry Derez s’était engagé à ne pas dépasser, directement ou indirectement, « au cours des trois prochaines années » – donc jusqu’en avril 2019 – le seuil de 10 %, « sauf évolution significative de la stratégie ou de la structure actionnariale de SCOR susceptible de porter préjudice à ses intérêts, ou changement des instances de gouvernance de SCOR ». Alors qu’il doit faire un point ce mercredi sur sa stratégie devant les investisseurs, SCOR pourrait entrer dans une zone de turbulences.
Deux frères désormais ennemis
L. T.
La tentative de rachat surprise de SCOR par Covéa, son premier actionnaire, met aux prises deux dirigeants jusqu’ici réputés proches.
L’effet de surprise aura été total. C’est par une lettre que SCOR a appris en août que son premier actionnaire,le groupe d’assurances français Covéa, lui proposait d’engager des négociations en vue d’en prendre le contrôle. Et c’est par un communiqué de presse que ce dernier a rendu public, mardi matin, son projet et le refus opposé par le réassureur français, alors que rien ne l’y obligeait. Pour SCOR, le moment ne pouvait en tout cas pas tomber plus mal, à la veille de sa journée pour les investisseurs et quelques jours avant le grand raout de la réassurance à Monte-Carlo…
L’affaire prend un tour d’autant plus singulier que les PDG des deux groupes, Denis Kessler (SCOR) et Thierry Derez (Covéa), sont connus pour leur amitié. Ces figures influentes de l’assurance française partagent bien des points communs. Les deux hommes incarnent très fortement les groupes qu’ils dirigent. Ils sont chacun réputés pour leur indépendance d’esprit et leur liberté de ton.
Une certaine discrétion
Ils ont aussi tous les deux eu une première vie professionnelle avant d’entrer dans l’assurance : comme professeur d’université et chercheur pour Denis Kessler, aujourd’hui âgé de soixante-six ans ; comme avocat spécialisé dans le droit pénal des affaires pour Thierry Derez.
L’un et l’autre sont aussi et surtout à la tête de deux success-stories. Aux manettes de Covéa depuis 2008, Thierry Derez, soixante et un ans, dirige une entreprise riche qui est l’incontestable numéro un de l’assurance auto et habitation en France à travers les enseignes MAAF, GMF et MMA. Au fil des années, il aura aussi réussi à cimenter et à développer ce géant mutualiste mis sur pied par Jean-Claude Seys. Le tout en cultivant une certaine discrétion et en faisant preuve d’une grande prudence en matière d’acquisitions.
Un retournement bien improbable
A la barre de SCOR depuis bientôt seize ans, Denis Kessler est, lui, parvenu à hisser le réassureur français au quatrième rang mondial après avoir été l’artisan d’un retournement improbable. Quand il est appelé à la rescousse en novembre 2002, le groupe français est à l’article de la mort. L’ancien numéro deux du patronat et ex-président de la Fédération française des sociétés d’assurances va le redresser à la force du poignet et au prix de deux augmentations de capital. Une fois SCOR remis en selle, Denis Kessler partira à l’offensive avec les acquisitions de l’allemand Revios en 2006 et du suisse Converium en 2007. Suivront les rachats, aux Etats-Unis, de Transamerica Re en 2011 et de la filiale locale de réassurance-vie de Generali en 2013, qui renforceront la diversification du groupe.
Mais SCOR garde une faiblesse : son actionnariat est émietté. Thierry Derez, qui siège au conseil d’administration du réassureur, veut aujourd’hui en profiter. Thierry Derez et Denis Kessler ne semblent en tout cas plus sur la même longueur d’onde. Les deux hommes n’auraient jamais échangé un seul instant sur le projet d’opération. « Il y a le sentiment d’une immense déloyauté de la part d’un administrateur qui prépare une opération dans le dos du conseil », rapporte un administrateur de SCOR. S’il a retiré sa proposition, Covéa a réaffirmé son intérêt pour une opération « amicale ». En réaction, SCOR a prévenu mardi que le projet présenté suscitait l’opposition « unanime » de son comité exécutif et que, « dans ces conditions, tout projet d’offre publique serait réputé hostile ».
Cet épisode laissera des traces. « Nous sommes actuellement en plein brouillard. SCOR et son conseil refusent d’engager le début d’une discussion, tandis que Covéa ne semble pas disposé à améliorer son offre. Mais un dirigeant et son premier actionnaire ne pourront pas se regarder longtemps ainsi en chiens de faïence », fait remarquer un proche des discussions.
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