LAURENT THÉVENIN
LES TARIFS DEVRAIENT RESTER SOUS PRESSION, MALGRÉ HARVEY ET IRMA. L’OFFRE RESTE TOUJOURS LARGEMENT SUPÉRIEURE À LA DEMANDE.
Les réassureurs qui se réuniront à partir de ce week-end à Monte-Carlo, pour les Rendez-vous de septembre (RVS), avec leurs clients assureurs et les courtiers pour commencer à parler de leurs tarifs 2018, auront forcément les yeux tournés vers les Etats-Unis. Après avoir dévasté les Antilles,
l’ouragan Irma
pourrait en effet atteindre la Floride dès la nuit de samedi à dimanche.
Et ce, alors que l’industrie de l’assurance en est encore à estimer la facture que pourrait laisser au Texas l’ouragan Harvey. Des analystes ont avancé le chiffre de 20 milliards de dollars de pertes assurées.
En l’état, cette série de catastrophes naturelles ne semble malgré tout pas devoir arrêter l’érosion globale des tarifs de la réassurance à l’oeuvre depuis plusieurs années. « Pour le moment, rien ne nous amène à penser que la tendance tarifaire va changer. Harvey est le premier événement important de l’année et il est dans les modèles des réassureurs », affirme ainsi Guy Van Hecke, directeur de la réassurance chez AXA Global P&C.
« Je suis d’accord avec les commentaires disant qu’Harvey et les inondations au Texas n’auront pas trop d’impact sur le marché mondial de la réassurance. Nous nous attendons à ce que les prix, en réassurance des événements naturels, continuent de baisser, mais moins vite que les années précédentes, et aussi à ce que les réassureurs traitent les assureurs de manière plus différenciée », abonde Pierre Michel, directeur de la réassurance chez Covéa.
Des hausses ciblées
L’agence de notation Standard & Poor’s table sur des baisses de tarifs allant de 0 à – 5 % pour les renouvellements du 1er janvier. « Les hausses tarifaires vont être ciblées. Il y en aura dans les zones touchées par Harvey ou au Royaume-Uni pour la réassurance des risques automobiles [après la modification des règles d’indemnisation pour les accidents corporels, NDLR] », affirme Lotfi Elbarhdadi, chez S&P.
En attendant d’entendre le message qui sera passé aux RVS par les grands réassureurs, le secteur a en tout cas de quoi voir venir après avoir été relativement épargné depuis le début de l’année.
« Le premier semestre a été anormalement bon en termes de “cat nat” », fait remarquer Claude Tendil, le président des RVS. Avec une charge de 23 milliards de dollars pour les assureurs et leurs réassureurs, selon les estimations de Swiss Re,
le coût des catastrophes naturelles ou industrielles
a ainsi été bien inférieur à la moyenne des dix dernières années pour le premier semestre (33 milliards de dollars).
Par ailleurs, si Harvey va causer des dommages colossaux, la facture à la charge des assureurs et des réassureurs sera bien moindre, les Américains étant peu assurés contre le risque inondation. « Nous pensons qu’une grande proportion des dégâts économiques ne sont pas assurés ou seront couverts par le National Flood Insurance Program gouvernemental », explique ainsi l’agence Fitch Ratings. Dans tous les cas, l’événement devrait, selon elle, rester « gérable » pour les réassureurs concernés.
Enfin, les acheteurs de réassurance font face à un marché très favorable, car débordant de capitaux. Cette surabondance de l’offre est notamment apportée par la réassurance dite « alternative » (obligations catastrophes), qui totalisait plus de 88 milliards de dollars de capitaux à fin juin, selon le courtier Aon Benfield.
Au premier semestre,
les émissions de « cat bonds »
ont tourné à plein régime, profitant de l’appétit des investisseurs pour ce type de placements à fort rendement. « Mais Harvey pourrait arrêter le développement de la réassurance alternative, parce qu’un certain nombre de “cat bonds” vont jouer », prévient Claude Tendil.
CCR Re veut diversifier son exposition au risque « cat nat »
L. T.
OPÉRATIONNELLE DEPUIS LE 1 ER JANVIER DERNIER, LA NOUVELLE FILIALE DE LA CCR, DÉDIÉE AUX ACTIVITÉS DE RÉASSURANCE TRADITIONNELLES, DIT ÊTRE EN AVANCE SUR SON PLAN DE MARCHE.
La Caisse Centrale de Réassurance (CCR) va être mise à contribution après le passage dévastateur de l’ouragan Irma sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Le réassureur public, qui intervient dans l’indemnisation des catastrophes naturelles en France, prendra en charge une partie importante des dommages assurés. « Il est encore trop tôt pour avancer une première estimation du coût », indique
Bertrand Labilloy, son directeur général
, qui rappelle que les Antilles sont traditionnellement beaucoup moins assurées que la métropole.
Double objectif
Jusque-là, l’année avait été calme pour CCR après un exercice 2016 marqué par
les inondations géantes en France
et par la mise sur pied d’
une filiale pour ses activités de réassurance traditionnelles
dites « de marché » (celles hors garantie de l’Etat). Baptisée « CCR Re », cette entité a commencé ses opérations au 1er janvier avec les renouvellements 2017 et la reprise du portefeuille de marché de CCR, avec 443 millions d’euros de primes brutes émises. « Nous sommes en avance par rapport à notre plan à horizon 2020. Alors que CCR Re a démarré avec une note moins élevée que celle de CCR, nous avons eu moins de résiliations que prévu lors des renouvellements du 1er janvier 2017. Avec la filialisation, nous avons même eu des marques d’intérêt de nouveaux clients, en particulier en Asie », explique Bertrand Labilloy. « L’un des enjeux aujourd’hui est de stabiliser l’activité de CCR Re, avec un double objectif de redressement de la rentabilité et de reprofilage du portefeuille », ajoute
Pierre Blayau, le président du conseil d’administration de CCR
.
Présent dans 60 pays, le réassureur, qui dit ne pas avoir d’objectif en termes de chiffre d’affaires, cherche à se positionner avant tout auprès d’assureurs de taille moyenne sur des marchés où il a déjà des positions « significatives », comme, par exemple, la France, le Canada, le Liban, Israël ou l’Asie. « Compte tenu de la taille de nos fonds propres [810 millions d’euros de capital économique à fin 2016, NDLR], nous n’avons en revanche pas prioritairement dans notre viseur les programmes de couverture multi-pays achetés par les grands assureurs internationaux », précise Bertrand Labilloy.
Il s’agit aussi pour CCR Re de « diversifier géographiquement son exposition au risque de catastrophe naturelle, encore très concentrée sur l’Europe », et d’être moins exposé aux risques longs, très consommateurs de fonds propres. A la recherche de nouvelles sources de revenus, CCR entend par ailleurs développer les services. « Nous sommes de plus en plus convaincus qu’il y a matière à valoriser et à commercialiser notre expertise », estime Pierre Blayau, qui évoque ainsi des discussions avec la SNCF autour du risque inondation.
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