C’est un rapport très attendu. Dominique Libault, le directeur de l’Ecole de Sécurité sociale (En3s), devrait remettre dans les prochains jours ses propositions sur la complémentaire santé et la prévoyance des salariés à la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine. Il a été demandé à Dominique Libault de proposer de nouvelles règles du jeu pour le secteur après le big bang de 2013. Il y a deux ans, le Conseil constitutionnel a censuré l’organisation monopolistique de la couverture complémentaire dans chaque branche professionnelle. Les « clauses de désignation », par lesquelles les partenaires sociaux élisaient un assureur unique pour couvrir toutes les entreprises de la branche, ont disparu.

Si cette petite révolution est bénéfique à la concurrence, elle risque de créer des «  trous de couverture », reconnaît Dominique Libault, dans la présentation résumée qui a été faite aux partenaires sociaux. Les petites entreprises ont peu de moyens à consacrer à la sélection d’un contrat. Par ailleurs, qui va assurer les salariés précaires, ou à employeurs multiples ? Autre souci : qui va assurer le salarié, en cas de faillite de l’entreprise ? Enfin, faute de pouvoir mutualiser les risques à grande échelle, les tarifs pourraient varier fortement, en fonction de l’âge, du sexe, de la catégorie socioprofessionnelle, etc. Un problème aigu dans la prévoyance, où le risque est lourd, car il faut verser des revenus de remplacement pendant des mois. Les frais de gestion (13 % pour les institutions de prévoyance, 23 % pour les sociétés d’assurance) devraient aussi monter avec les coûts commerciaux pour séduire et fidéliser.

Il va donc falloir mieux organiser la solidarité à l’intérieur de la branche. L’Autorité de la concurrence avait suggéré dans son avis de 2013 la piste de la « codésignation », c’est-à-dire de désigner trois assureurs au lieu d’un seul. Dominique Libault n’a retenu cette idée que pour un deuxième temps. Il faut d’abord observer comment fonctionne la concurrence, adoucie par des « recommandations » d’assureurs faites par les partenaires sociaux. Une éventuelle codésignation ne devrait de toute façon pas se réduire à un « Yalta » géographique. Et la codésignation devrait aller de pair avec la coassurance, c’est-à-dire la mise en commun de la gestion du risque.

Mais, alors, comment différencier leur politique commerciale, s’interrogent les assureurs ? A long terme, le rapporteur envisage aussi de réintroduire la désignation, uniquement pour la prévoyance, en cas de difficultés manifestes. Il évoque aussi un autre sujet, en lien avec la promesse de François Hollande en juin à la Mutualité française de généraliser la complémentaire santé aux personnes âgées : les exonérations de charges patronales pourraient être réservées aux contrats basés sur des cotisations proportionnelles et comportant des conditions favorables aux retraités.

 

Création d’un chèque santé

Dans l’immédiat, le rapporteur demande la parution du décret qui mettra en place des fonds de solidarité dans les branches, dans le cadre des « recommandations ». Les entreprises qui rejoignent tardivement le dispositif devront payer des pénalités, pour ne pas entrer et sortir du système quand ça les arrange. Il prévoit aussi une réintroduction très encadrée des clauses de désignation pour les secteurs multi-employeurs : particuliers employeurs, intérim, saisonniers, intermittents… Si ces travailleurs sous contrat court n’ont pas d’assureur unique, par exemple s’ils travaillent dans plusieurs branches, il propose un « chèque santé » : le salarié démarche lui-même l’assureur de son choix, qu’il paie avec ce chèque. La solution que privilégiaient certains assureurs – le premier employeur gère, les suivants sont dispensés – ne devrait pas être retenue.