Edouard Lederer
@EdouardLederer
Le mois de juillet est souvent porteur pour l’assurance-vie, et l’année 2016ne faitpas exception.Avecune collecte nette positive (cotisations moins prestations versées) de
3,4milliardsd’euroslemoisdernier, le placement préféré des Français a signé sa plus solide performance depuis juillet 2015, selon les chiffres publiés jeudipar laFédération française de l’assurance (FFA). Sur un plan arithmétique, les épargnants ont cotisé autant – voire un peu plus – que les mois précédents (12,3 milliards d’euros déposés)
mais ont surtout limité le montant de leurs retraits, à 8,9 milliards d’euros, un niveau inédit depuis novembre 2015. Ainsi, « la collecte nette cumulée sur les sept premiers mois de l’année 2016 est de 15,3 milliards d’euros. Sur la même période, on était à 14,6 milliards d’euros en 2014età14,9milliardsen2015 »,souligne Cyrille Chartier-Kastler du cabinet Facts & Figures. Non seulementl’attractivitédel’assurance-vie reste entière,mais elle se renforce. Mais cette apparente bonne nouvelle ne fait pas forcément les affaires des assureurs. Ces cotisations atterrissent en grande majorité dans les fonds en eurosgarantis de l’assurance-vie. Cesderniers attirent les épargnants par leurs rendements relativement attractifs, compte tenude l’environnement de taux faibles.
Sortir de l’impasse Dans une ère de glaciation des taux– proches de zéro, voire négatifs pour certains – ces nouveaux flux decollecteviennentdiluerlaperformance de ces fonds. Surtout, les taux bas écrasent les marges des compagnies. Les fonds euros étant composés d’abord d’obligations, les assureurs doivent à présent remplacer
les coupons arrivant à échéancepardenouveauxtitresqui ne rapportent plus grand-chose.
Pour sortir de cette impasse, les assureurs tentent d’orienter leurs clients vers des contrats dits en « unités de compte » (UC), plus risqués mais potentiellement
mieux rémunérés. Pour l’assureur, ces derniers sont moins consommateurs en fonds propres et mieux margés. Mais « les efforts très importants déployés par les assureurs
pour faire monter le taux d’UC dans lacollecte donnentdes résultats mitigés à ce stade. On est en baisse par rapport à 2015 », relève Cyrille Chartier-Kastler. De fait, le taux d’UC atteint 18,9 % sur les sept premiers mois de l’année en 2016, contre 20,7 % sur la même période en 2015.
Autre levier possible : rendre les fonds en euros moins attractifs.Les assureurs se sont déjà montrés un peu moins généreux ces dernières années, le rendement moyen s’élevant à 2,30 % en moyenne en 2015.
Mais la pression se fait de plus en plus forte à mesure que la période de taux faibles se prolonge. « Il est désormais probable que les demandes de forte baisse des rendements 2016 formulées par le Haut Conseil destabilitéfinancièreetreprisesdans la loi Sapin soient “cette fois-ci” entendues »,estimeCyrilleChartierKastler.
Swiss Life France mise sur les unités de compte
Dans un marché pénalisé par les taux bas,Swiss Life France délaisse depuis plusieurs années les fonds euros au profit des unités de compte (UC), des supports plus risqués car investis pour partie en actions. Ces derniers représentent 56 % de la production de l’assureur.« Nous étions convaincus que les taux d’intérêt et de rendement des fonds euros allaient diminuer, et nous avons très tôt recherché des solutions alternatives pour soulager les fonds euros », explique Eric Le Baron, directeur général de Swiss Life Assurance et Patrimoine. Cette stratégie, mise en place depuis une dizaine d’années, a permis à la filiale française du groupe suisse de« surperformer dans cette période, notamment en termes de collecte. Et nous sommes aujourd’hui beaucoup moins exposés à la baisse des rendements », assure-t-il. Toutefois, parce qu’elles n’offrent pas la garantie du capital, les unités de compte sont plus difficiles à vendre sur le marché.« Le client, de manière générale, a toujours une stratégie d’investissement prudente, d’autant plus si le marché est volatil », souligne Eric Le Baron. Pour convaincre les clients de sortir des fonds euros, Swiss Life France propose des investissements en unité de compte avec une volatilité faible et une meilleure protection, mais avec un rendement limité. De plus, une politique de participation « bonus » est en oeuvre depuis 2009 : le taux de rémunération du fonds euros est revalorisé en fonction de la part croissante d’unités de compte détenues par le client. La compagnie a ainsi« connu une diminution plus importante des clients “100 % euros” que les autres assureurs »
En Belgique, AXA veut racheter ses vieux contrats à taux garanti
Une promesse devenue de plus en plus intenable. A partir des années 1990,Axa a commercialisé en Belgique un contrat d’assurance-vie, baptisé « crest20 », garantissant un rendement de 4,75 %. A l’époque ce niveau de rémunération, qui paraît élevé aujourd’hui, n’est pas exceptionnel. Ce qui l’est davantage, c’est que le taux soit garanti… à vie. Or, comme le reste de l’Europe, la Belgique vit actuellement une période de taux faibles voire négatifs (l’Etat belge emprunte jusqu’à huit ans à taux négatif), rendant une rémunération à 4,75 % très difficile à dégager : l’écart entre le taux promis et celui que la compagnie d’assurances peut obtenir sans risque sur le marché obligataire est devenu trop important. Conséquence, l’assureur fait partiellement machine arrière. Selon le quotidien belge « L’Echo », dans un courrier adressé aux épargnants en juin dernier, l’assureur a indiqué ne plus pouvoir proposer de telles conditions. En particulier, depuis le 22 juin, les nouveaux versements ne rapportent aux clients que 0,2 %. AXA appuie sa décision sur une nouvelle loi (23 mars 2016) restreignant outre-Quiévrain le maintien de taux élevés. AXA a ouvert un deuxième front en proposant aux détenteurs d’un crest20 conclu avant le 31 janvier 2002 de racheter leur contrat moyennant une prime unique de 25 % du capital. L’an dernier, un autre assureur belge,Ethias, avait lui aussi cherché à solder ses polices d’assurance-vie à taux garanti (comptes First) en échange d’une prime, mais cette fois dans le cadre de son plan de réorganisation.
En Allemagne, Ergo se débarrasse d’un trait de contrats à taux garanti
L’assureurErgo, filiale du géant allemand de la réassurance Munich Ré, a fait récemment une annonce résonnant comme un coup de tonnerre. Le groupe de Düsseldorf va cesser de vendre des contrats d’assurance-vie classiques et se sépare d’un portefeuille de 6 millions de contrats anciens. Dorénavant, l’assureur ne veut proposer que de nouveaux types de contrats n’offrant pas de taux garanti à vie, comme jadis. Ce type de délestage en règle, que les spécialistes appellent « run-off », commence à se développer en Allemagne. Le régulateur du secteur, la BaFin, a pour l’heure recensé une poignée de plates-formes spécialisées dans la reprise de ces portefeuilles. A l’origine de cette pratique : l’environnement des taux d’intérêt au plus bas. En 2000, le taux garanti sur un contrat d’assurance-vie s’élevait à 4 %, il est descendu à 1,25 % en 2015. Les assureurs ne sont pas toujours en mesure de constituer le matelas financier obligatoire pour couvrir les charges liées à d’anciens contrats aux conditions très généreuses. A l’image d’Ergo, nombre d’assureurs ne sont plus enclins à commercialiser des contrats classiques avec taux garanti. Une nouvelle baisse du taux garanti est attendue en 2017, pour le faire atterrir à 0,9 %, ce qui risque de faire perdre à ce type de produit une partie de son attractivité.« Nous ne les recommandons déjà plus à nos clients », explique Udo Rössler, porte-parole de la branche assurance-vie d’Allianz. Le géant de l’assurance propose à la place un contrat d’épargne-vie ficelé de telle sorte qu’il promet un rendement de… 4 %.
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