Laurent Thévenin

Un peu plus de la moitié seulement des utilisateurs des plates-formes de l’économie collaborative sont assurés, selon une étude du Lloyd’s et de Deloitte. Or il s’agit d’un « canal de distribution clef », soulignent les auteurs.
En plein essor, le secteur de l’économie collaborative semble ouvrir des perspectives particulièrement attractives pour les assureurs. D’après une étude réalisée par le Lloyd’s – le grand marché londonien de l’assurance spécialisée – et le cabinet de conseil Deloitte auprès de plus de 8.500 consommateurs dans six pays (Allemagne, Chine, Emirats arabes unis, Etats-Unis, France et Royaume-Uni), 57 % seulement des personnes ayant vendu un service ou loué un bien à d’autres particuliers sur une plate-forme au cours des trois dernières années étaient couvertes par une assurance.

De plus en plus de plates-formes fournissent aux utilisateurs des protections
automatiquement incluses dans chaque transaction, relèvent les auteurs. Les utilisateurs peuvent aussi se couvrir de leur côté en responsabilité civile ou contre les dommages subis. Mais il y a encore des « lacunes » de protection béantes, souligne l’étude. A peine 37 % des personnes louant leur logement par cet intermédiaire ont ainsi souscrit un nouveau contrat ou renforcé leurs garanties. Un peu moins de la moitié des personnes partageant leur véhicule a fait de même. Et seuls 20 % des travailleurs free-lance ont pris une assurance de responsabilité ou augmenté leurs couvertures avant de proposer leurs services sur ces plates-formes.

Cibler plusieurs segments d’utilisateurs
Au vu de cette étude, les assureurs auraient tout intérêt à cibler plusieurs segments d’utilisateurs plus enclins que les autres à s’assurer. C’est le cas par exemple des quelque 7,7 millions de personnes ayant loué leur logement entier ces trois dernières années et en ayant tiré plus de 20.000 dollars de revenus. Leur propension à prendre une assurance (40 %) est plus élevée que la moyenne des participants de l’économie collaborative (22 %).
Autres cibles intéressantes, les 43,6 millions personnes ayant acheté un bien via un service de livraison (elles sont 36 % à être partantes pour s’assurer). Les 13,5 millions de travailleurs indépendants ayant été victimes de non-paiement formeraient un autre vivier de clients prometteur (44 % d’entre eux sont prêts à s’assurer). Sans compter les quelque 17,6 millions de personnes s’étant fait pirater leurs données sur ces plates-formes.

Comme le souligne l’étude, « les partenariats avec les plates-formes de l’économie collaborative constituent un canal de distribution clef ». Avec la perspective d’un plus grand potentiel d’accès aux clients et d’une meilleure sélection des risques. Au cours des trois dernières années, près de 500 millions de personnes dans les six pays étudiés ont proposé des services ou des biens sur ces plates-formes, tandis que plus de 680 millions en ont consommé.

Les chiffres clefs 37 % des personnes
louant leur logement via des plates-formes ont souscrit un nouveau contrat ou renforcé leurs garanties.
20 % des travailleurs free-lance ont pris une assurance de responsabilité ou augmenté leurs couvertures avant de proposer leurs services sur une plate-forme.

Des premiers résultats encourageants
L. T.
Les assureurs qui se sont lancés sur ce nouveau marché font état de fortes croissances. Leur défi est d’arriver à mieux tarifer ces risques nouveaux.
Les assureurs misent plus que jamais sur le développement de l’économie dite « du partage » ou « collaborative ». Allianz France est ainsi devenu cette semaine l’assureur de Wikicampers, une plate-forme spécialisée dans la location de camping-cars entre particuliers.
Comme ses concurrents AXA France ou la Maif
, eux aussi très investis sur ce nouveau marché, il a déjà plusieurs autres partenariats de ce type. « Sans assurance pour installer la confiance, ces plates-formes ne pourraient pas exister », affirme Delphine Asseraf, en charge de l’écosystème Ma Mobilité chez Allianz France. « De notre côté, il est essentiel d’apprendre vite, avec des volumes importants et une multitude d’acteurs », ajoute-t-elle.

Car les assureurs qui se risquent sur ce marché doivent résoudre une équation complexe. Ces nouveaux modes de consommation viennent en effet bousculer leurs schémas traditionnels puisqu’
il ne s’agit plus d’assurer la propriété d’un bien, mais son usage
. L’affaire est d’autant plus ardue que le logement ou la voiture sont loués par des personnes qu’ils ne connaissent pas. S’y ajoute aussi un faible historique en matière de sinistralité, qui rend encore plus délicate la fixation des tarifs.

Adaptation permanente
« Nous avons dû faire des paris et apprendre en marchant. Nous commençons avoir des masses suffisantes pour pouvoir en tirer des statistiques. Aujourd’hui, nous arrivons à être plus fins sur le plan tarifaire et à conseiller les plates-formes pour limiter la fraude et les risques », explique Emmanuel Gombault, directeur technique groupements et affinitaires chez Allianz France.
Les assureurs doivent être dans une logique d’adaptation permanente. « Nous avons par exemple supprimé la garantie prêt de volants qui était prévue dans notre contrat pour BlaBlaCar, parce qu’elle n’était pas utilisée », explique Elise Bert, directrice de la marque et des partenariats chez AXA France. « Les garanties des grands acteurs ont déjà changé une dizaine de fois en quatre ans. C’est assez inhabituel dans notre métier », indique de son côté Delphine Asseraf.
AXA France a misé par ailleurs sur un autre terrain de jeu : la protection sociale complémentaire des travailleurs indépendants de l’économie collaborative. L’assureur a ainsi mis en place
une couverture en cas d’accident pour les chauffeurs d’Uber
ou les coursiers de la société de livraison à domicile Deliveroo. « Ces programmes sont entièrement financés par les plates-formes, mais il n’y a aucune obligation d’adhésion. Aussi, il est essentiel de faire preuve de pédagogie et d’avoir des garanties simples, comme la prime de parentalité de 1.000 euros que nous avons mis en place pour les chauffeurs Uber », indique Elise Bert, directrice de la marque et des partenariats chez AXA France.

Des niveaux de rentabilité variables
Le démarrage du marché de l’assurance des plates-formes de l’assurance collaborative est jugé prometteur. Chez Allianz, il représente une dizaine de millions d’euros de chiffre d’affaires – « ce qui commence à être significatif », selon l’assureur – et largement plus de 10 % de la croissance du chiffre d’affaires IARD (incendie, accidents et risques divers). AXA France fait état d’une croissance à deux chiffres sur les plates-formes de l’économie du partage. « Les niveaux de rentabilité sont assez variables. Il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions sur la sinistralité, mais nous avons évidemment un pilotage technique permanent », précise Elise Bert. « Au global, ces activités ont été rentables en 2017 », indique pour sa part Allianz France.
Le jeu en vaudrait en tout cas la chandelle, car ces plates-formes de l’économie collaborative se déploient en général très vite à l’international et ont donc besoin d’un assureur capable de les accompagner hors de France.
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