Coup de tonnerre dans le ciel orageux de la finance milanaise. Après des années de rumeurs et de chuchotements, l’homme d’affaires sicilien Salvatore Ligresti, ex-actionnaire de référence de l’assureur Fonsai, a été assigné à résidence hier, en même temps que deux des anciens dirigeants de la société. Ses deux filles, Jonella et Giulia Ligresti, qui ont exercé des mandats sociaux au sein de la société, ont quant à elles été incarcérées. Les membres de la famille Ligresti ont été inculpés pour falsification de bilans « aggravée » et manipulation de marchés dans le cadre d’une enquête sur un « trou de 600 millions d’euros » dans les réserves de Fonsai. L’arrestation de l’ancien constructeur immobilier, reconverti dans l’assurance, avec l’appui de Mediobanca et d’une bonne partie de l’ establishment milanais, est l’ultime épilogue de la gestion chaotique de Fonsai. Laquelle a débouché sur son sauvetage obligé par Unipol, à l’été 2012, sous l’impulsion des banques créditrices.
« Grâce à la complaisance du management de la société, la famille Ligresti s’est assurée, outre un flux constant de dividendes illicites, le feu vert à de nombreuses opérations immobilières avec de tierces parties », ont souligné hier les enquêteurs. Parmi les opérations contestées : la reprise de la société hôtelière Atahotel. L’ensemble des inculpés sont accusés d’avoir dissimulé au marché un trou de 600 millions d’euros dans les réserves-sinistres de l’assureur Fondiaria, « au détriment de 12.000 épargnants ». A travers la sous-évaluation des réserves, Fonsai aurait distribué 253 millions d’euros de dividendes injustifiés à la société Premafin des Ligresti de 2008 à 2011. L’arrestation a été décidée pour empêcher le délit de fuite des inculpés.
En outre, l’ancien contrôleur du secteur des assurances, à la tête de l’Isvap, Giancarlo Giannini, est accusé d’avoir fermé les yeux pendant dix ans sur la gestion du groupe de Salvatore Ligresti. En échange, ce dernier lui aurait promis d’obtenir sa nomination future à la tête de l’autorité Antitrust auprès de Silvio Berlusconi. Selon le numéro un d’Unicredit, Federico Ghizzoni, l’arrestation de la famille Ligresti ne devrait avoir aucune répercussion directe sur la fusion Unipol-Fonsai en cours de finalisation. Mais le climat est loin d’être serein pour la naissance du numéro un italien de l’assurance-dommages. Dirigée pendant dix ans (de 2001 à 2012) par la fille de Salvatore Ligresti, Jonella Ligresti, – la dirigeante la mieux payée d’Italie en 2006 -, la société d’assurances Fonsai, elle-même, a été mise en examen par le parquet de Turin pour « falsification de bilans et entrave aux autorités de surveillance » sur sa gestion passée (2008-2011). De fait, la fusion Unipol-Fonsai a, souvent, été analysée comme une forme de sauvetage in extremis de Fonsai, en vue de limiter l’impact d’un effondrement éventuel sur ses deux principaux soutiens bancaires : Mediobanca et UniCredit. De son côté, le groupe français AXA est candidat à la reprise de certains actifs qui doivent être encore cédés par les deux groupes dans le cadre de la fusion.
Compte tenu de son vaste réseau de soutiens, certains se demandent encore quelles seront les victimes collatérales entraînées par la chute de « Don Salvatore ».