L. T.
Le groupe a transformé son organe central en une société d’assurance mutuelle. Cette opération doit lui apporter une flexibilité stratégique supplémentaire.
Retour aux sources pour Groupama. L’assureur mutualiste a procédé jeudi à la remutualisation de son organe central. Celui-ci, qui était une société anonyme depuis 2003, devient une société d’assurance mutuelle. « C’est une opération plus symbolique et stratégique que purement financière. Elle ne change quasiment pas les grands équilibres financiers du groupe. Mais elle va permettre de redonner une vraie cohérence mutualiste à l’ensemble du groupe, de la caisse locale jusqu’à l’échelon national, en passant par les caisses régionales », explique aux « Echos » Thierry Martel, le directeur général de Groupama. Cette opération a été rendue possible par la loi Sapin II de 2016.
« Nous revenons au modèle originel de Groupama, indique Thierry Martel. Cela permet aussi de clarifier la gouvernance. Cela va également donner un sens plus clair à nos actions et à nos valeurs pour nos collaborateurs. »
Plus lisibles
L’assureur souligne que cette nouvelle organisation lui permet aussi de disposer de moyens juridiques et financiers mieux adaptés « pour réaliser d’éventuelles opérations de développement, soit de nature mutualiste, soit de nature capitalistique ». « Vis-à-vis de l’extérieur, nous devenons plus lisibles avec, d’une part, un pôle mutualiste qui permet d’envisager des relations avec d’autres mutuelles et, d’autre part, une société anonyme qui porte toutes nos filiales comme Groupama Gan Vie, Gan Assurances ou le pôle international », explicite Thierry Martel.
Le conseil d’administration du nouvel organe central Groupama Assurances Mutuelles l’a confirmé jeudi dans ses fonctions, tout comme Jean-Yves Dagès, le président du groupe.
Thierry Martel : « La principale menace viendra des assureurs qui se moderniseront plus vite que nous »
Propos recueillis par Laurent Thévenin
Le secteur mutualiste est en pleine consolidation, avec plusieurs annonces de rapprochements majeurs. Allez-vous y participer ?
Nous voulons contribuer au renforcement du secteur mutualiste qui est encore très éclaté. Compte tenu des contraintes d’investissement dans le digital ou des exigences réglementaires toujours plus lourdes, il est clair que l’union doit faire la force. Groupama présente un modèle foncièrement collaboratif. Nous sommes prêts à partager nos ressources tout en respectant l’ADN et l’âme des mutuelles qui voudraient se rapprocher de nous. Cela peut aller du simple partage de moyens à des liens de solidarité financière. L’essentiel est de faire en sorte que l’addition de nos sociétaires forme un ensemble plus puissant. Nous sommes en discussions avec un certain nombre d’acteurs.
Quels concurrents redoutez-vous le plus à l’avenir ?
La principale menace viendra des assureurs traditionnels qui se moderniseront plus vite que nous, davantage que des Gafa. Je ne crois pas que ceux-ci viendront nous concurrencer parce qu’il y a une vraie barrière à l’entrée pour être assureur. Cela demande de mobiliser beaucoup de capitaux ou d’avoir des réseaux de prestataires pour servir les clients, le tout pour une rentabilité qui n’est pas très élevée. Mais, ces acteurs pourront chercher à « encapsuler » l’assurance dans des services. Nos concurrents les plus sérieux sont les banques. D’autant que nos sociétaires sont massivement bancarisés dans des établissements mutualistes qui sont ceux qui progressent le plus vite en assurance.
Quel est le nerf de la guerre ?
La vraie bataille à gagner est celle de la relation client. C’est l’une de nos priorités depuis trois, quatre ans, d’autant plus que les coûts d’acquisition deviennent très chers. Cela passe par davantage de proactivité et de segmentation tarifaire. Notre taux de résiliation à l’initiative de nos assurés est de 6 %. Il est beaucoup plus élevé chez la plupart des autres opérateurs. Malgré la loi Hamon facilitant la résiliation des contrats auto ou habitation, il n’a pas augmenté. Notre objectif, quand nous gagnons un sociétaire, est de le garder. C’est la base de notre modèle affinitaire.
En quoi est-il affinitaire ?
Il l’est dans une double dimension. D’abord, avec notre ancrage dans le monde agricole, qui est le socle de Groupama. L’autre dimension affinitaire est locale. Nous sommes organisés autour de 3.000 caisses locales, qui sont autant de communautés de proximité. Les sociétaires ont la possibilité de décider d’actions de prévention au niveau de leur caisse locale.
D’où viendra votre croissance dans les années à venir ?
Les assurances de personnes sont un vrai relais de croissance pour le groupe. L’assurance-emprunteur est un marché porteur depuis la récente loi Bourquin [qui permet de changer l’assurance de son crédit immobilier tous les ans, NDLR]. Nous croyons aussi beaucoup à l’épargne retraite. Vu la baisse des taux de remplacement, les Français ne pourront plus compter sur le régime par répartition pour avoir un revenu suffisant pour leurs retraites. Le marché est en train de frémir.
Comment accueillez-vous le projet de réforme de l’épargne retraite ?
C’est plus une réforme de l’épargne que de la retraite. La retraite suppose la perception d’un revenu jusqu’à la fin de sa vie, donc une rente. Le projet de loi laisse le choix entre une sortie en capital ou en rente. Pour autant, il introduit une défiscalisation à l’entrée, ce qui permettra de créer un réservoir d’épargne bloquée.
Certains assureurs automobiles redoutent un effondrement de la masse assurable avec les voitures autonomes…
Ce sera un processus très long, car je ne vois pas de voitures totalement autonomes circuler sur les routes françaises avant 10 ans. Mais il faut d’ores et déjà s’adapter aux nouvelles mobilités. C’est pour cela que nos assurés ont avec leur contrat le même niveau de garanties, quel que soit le véhicule qu’ils empruntent.
Comment envisagez-vous l’assurance de demain ?
Notre métier ira de plus en plus vers la prévention des sinistres, voire leur prévision. Nous venons par exemple de signer un partenariat avec Orange autour des objets connectés dans le foyer. Dans tous les cas, nous voulons garder notre esprit pionnier pour aider les clients. Cela ne se sait peut-être pas assez, mais Groupama a une histoire jalonnée d’innovations qui sont devenues des standards de marché. Nous avons été le premier assureur à inclure les garanties d’assistance dans nos contrats ou à donner la possibilité de résilier à tout moment (chez Amaguiz).
Vous êtes présents dans dix pays. Que cela vous apporte-t-il ?
C’est un vrai plus, parce que l’on apprend des choses d’autres pays. Ainsi, en Italie, nous sommes beaucoup plus avancés qu’en France sur la télématique automobile. Nous y avons créé notre propre plate-forme de données avec IBM. C’est important aussi en termes d’attractivité pour attirer des talents. C’est par ailleurs un moyen d’exister dans les discussions qui se jouent au niveau européen. Notre stratégie est d’être sur peu de marchés, mais de peser sur chacun d’entre eux. Nous sommes d’autant plus confortés que notre pôle international dégage une rentabilité satisfaisante.
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