Véronique Chocron
Après analyse, l’ACPR a tranché : les présidents de conseil d’administration ne seront plus des dirigeants effectifs. Depuis janvier, les groupes mutualistes, Crédit Agricole en tête, militaient contre cette doctrine.
C’est une évolution sensible de l’équilibre des pouvoirs qui va s’imposer dans les prochains jours aux groupes mutualistes. Malgré la levée de boucliers qu’elle suscite, l’autorité de contrôle des banques et des assureurs, l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), a en effet décidé de maintenir sa position sur la gouvernance des établissements à conseil d’administration : les présidents de ces instances ne pourront plus exercer les fonctions de dirigeant « effectif » ou « responsable ». Selon nos informations, la décision a été adoptée lundi, lors d’une réunion du collège du superviseur, et elle devrait être publiée dans le courant de la semaine prochaine.
La sphère mutualiste, qui a très largement adopté le modèle de gouvernance à conseil d’administration – plutôt qu’à directoire et conseil de surveillance -, y est farouchement opposée. Et, depuis plusieurs mois, elle bataillait pour convaincre l’autorité prudentielle de revoir sa doctrine. Pourquoi une telle résistance ? Selon le Code monétaire et financier, les établissements de crédit doivent être dirigés par au moins deux dirigeants responsables, et il revient au superviseur, l’ACPR, de ratifier leur nomination à cette fonction. Dans les groupes mutualistes, ces deux postes clefs revenaient jusque-là au directeur général, responsable de la gestion au quotidien, et au président du conseil d’administration. « C’est le principe des “quatre yeux” de la gouvernance coopérative : un double regard entre le professionnel et le représentant des sociétaires, les porteurs de capital, qui ont le dernier mot », explique un « mutualiste ». « Le président du conseil d’administration représente la substance de la banque. Il définit la stratégie, vote le budget, arrête les comptes. Le directeur général exécute, ce n’est pas lui qui décide. Ne plus considérer le président comme dirigeant effectif, c’est nier le caractère coopératif de nos institutions », renchérit un président de banque coopérative.
Le régulateur bancaire a décidé de changer les règles de la gouvernance le 29 janvier dernier, pour les adapter à la nouvelle directive européenne CRD4 et à son ordonnance de transposition. Les groupes mutualistes, Crédit Agricole en tête, contestant l’interprétation qui est faite de ces textes par le superviseur français, ont aussitôt déposé un recours grâcieux devant l’ACPR afin que le collège de l’autorité administrative reconsidère sa position.
Fonction de surveillance
Mais après plusieurs mois d’analyse et une mission, confiée à deux membres du collège, celui-ci a confirmé qu’il n’y avait pas d’autre lecture possible de la directive européenne. Toutefois, pour montrer qu’il ne cherche pas à affaiblir le rôle du président du conseil d’administration, l’ACPR devrait rappeler qu’il reste un interlocuteur privilégié, et souligner l’importance de sa fonction de surveillance.
La nouvelle position du superviseur devrait enfin introduire de la souplesse dans le choix des dirigeants « responsables ». Après le directeur général, le deuxième dirigeant « effectif » pourra être le directeur général délégué ou tout cadre dirigeant choisi par le conseil d’administration pour diriger de façon effective. Les banques coopératives interrogées par « Les Echos » n’ont pas souhaité réagir. Il y a quelques semaines, les plus impliquées envisageaient, si elles échouaient à imposer leur vue, un recours contentieux devant le Conseil d’Etat.